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l’Autriche, ni la confédération du Nord. Aussi le violent mécontentement de la première heure s’était-il apaisé, et, sans l’exprimer ouvertement, il le laissait comprendre. Il ne demandait qu’à jouir des avantages obtenus sans courir de nouveaux risques[1]. Il faisait écrire dans l’organe officiel du ministère, la Correspondance provinciale : « La France, par ses bons offices, a joué un rôle méritoire dans l’œuvre de la paix. L’empereur Napoléon a accepté la mission que lui décernait l’appel de l’Autriche avec générosité et désintéressement, animé d’un esprit vraiment impartial et digne d’un pacificateur équitable, dans le rôle important qu’il lui a été accordé de jouer pendant les négociations ; l’Empereur n’a rien ambitionné, rien demandé, ni pour la France ni pour lui-même, si ce n’est la gloire et l’honneur de faire valoir son influence auprès des princes au profit d’une paix juste. Il a eu la bonne fortune de concourir à l’achèvement de la grande œuvre qu’il avait entreprise avec vigueur, il y a quelques années, c’est-à-dire à la création d’une Italie une et libre. Animé des mêmes sentimens, il a tendu la main à la Prusse pour jeter les bases solides de l’unité allemande. »

La demande de compensations ramena Bismarck, et cette fois pour toujours, aux sentimens du jour de la médiation. La conviction entra définitivement dans son esprit que la France n’accepterait jamais sans arrière-pensée la transformation et la grandeur de la Prusse, et qu’une guerre avec elle était une inévitable nécessité du développement national allemand. De même que, depuis 1852, sa seule pensée avait été de préparer, d’amener une guerre avec l’Autriche, son unique préoccupation, à partir du 6 août 1866, fut de préparer, par ses alliances et ses arrangemens militaires, la guerre contre la France irrévocablement décidée dans son esprit.

La politique des compensations produisait un effet non moins sérieux en Russie. Le Tsar restait mécontent des conditions de Nikolsburg, malgré les explications que Manteuffel était venu lui apporter (9 août). Il se réjouissait des succès de la Prusse, il était sensible aux égards qu’en sa considération on voulait témoigner à la Hesse et au Wurtemberg, mais le sacrifice du Hanovre et d’autres princes allemands le remplissait d’effroi : on ouvrait ainsi la porte aux révolutions ; on affaiblissait le

  1. Govone à Visconti-Venosta.