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du jour où pâlirait l’astre d’Albion ? Ce n’est pas, croyons-nous de la pure politique que l’Irlande doit attendre et attend en effet son salut. On sait que depuis dix ou quinze ans d’autres espérances, d’autres ambitions sont nées en elle, et quelle s’est adonnée à une tâche intérieure dont l’agitation reprise en ces années passées n’a d’ailleurs pu la détourner : il s’agit de reconstruire l’Erin nationale et traditionnelle ; de lui refaire une vie propre au point de vue mental, moral et social ; de reconstituer ses forces économiques par la coopération et l’instruction technique ; de restaurer enfin à tous les degrés un enseignement général qui forme les caractères tout autant que les intelligences. C’est une œuvre nécessaire et une grande œuvre qui s’accomplit, une œuvre d’éducation, qui seule peut rendre à l’individu ces fortes qualités humaines qui font les peuples prospères, et qui mettra l’Irlande à même de reprendre un jour sa place parmi les nations. C’est de cette œuvre de régénération sociale que doit sortir et que sortira la liberté irlandaise : le jour où elle sera assez avancée, alors enfin l’Irlande aura ce qui lui a toujours manqué, une opportunity, une occasion de faire voir et valoir ce qui est en elle, alors elle obtiendra tout naturellement son autonomie politique, sous quelque forme que ce soit, sous quelque nom que ce soit, de l’Angleterre enfin rassurée sur ce qu’elle appelle aujourd’hui « l’anarchie irlandaise » et d’ailleurs incapable de régir une société trop compliquée et trop différente d’elle-même. Unie et forte, l’Irlande gagnera ainsi, comme un couronnement de ses efforts présens, la liberté à laquelle elle a droit et sans laquelle elle ne peut d’ailleurs pleinement se développer : voilà l’espoir et la foi des plus clairvoyans de ses fils.


L. PAUL-DUBOIS.