Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/486

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouvés très étonnés de ne pas pouvoir voter. C’est ce qui explique, au moins en partie, le succès des républicains à Madrid, à Barcelone, à Valence, etc. Mais cela ne veut pas dire que l’Espagne soit républicaine, ni qu’elle soit près de le devenir.

Pour tous les partis, la grosse difficulté est aujourd’hui dans leur extrême division. C’est le mal dont ils soutirent tous, et il date déjà d’assez longtemps. M. Canovas lui-même n’avait pas pu empêcher l’éparpillement du parti conservateur de commencer avec lui. Quant au parti libéral, il n’a pas encore de chef désigné ; il en cherche un depuis la disparition de M. Sagasta. Il est d’ailleurs encore plus vrai de dire de M. Sagasta que de M. Canovas qu’il a assisté, avant de mourir, à la débandade de ses troupes. Une des forces du parti républicain, force relative, bien entendu, est qu’après la mort de tous les chefs qui s’en disputaient la direction, il ne reste plus aujourd’hui que M. Salmeron : c’est là ce qui a refait ce que les journaux appellent son unité. Elle durera sans doute autant que M. Salmeron lui-même, mais sans doute aussi ne lui survivra pas. Les libéraux et les conservateurs, au contraire, cherchent encore leur chef définitif, non pas qu’ils manquent d’hommes très distingués, mais parce qu’ils en ont trop, et qu’aucun n’a pu acquérir encore le prestige et l’autorité que la durée, aussi bien que la valeur de leurs services, avaient donnés à MM. Sagasta et Canovas. Aujourd’hui, M. Silvela tient le drapeau conservateur : il ne lui manque peut-être que d’avoir plus confiance en lui-même. Il a fait un ministère de très large concentration conservatrice, où. il s’est appliqué à faire entrer tous les élémens du parti. Ce ministère a dans les Cortès une majorité suffisante. Les élections du Sénat, qui viennent d’avoir lieu, ont corrigé ce que celles de la Chambre avaient pu avoir d’équivoque dans quelques grandes villes. Au total, la situation du gouvernement est aussi solide qu’elle pouvait l’être, et si l’on aperçoit des difficultés dans la situation de l’Espagne, il n’y a sûrement aucun péril.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.