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extrêmement violente ; il est presque inoffensif lorsqu’il est absorbé à doses minimes, espacées et répétées.

Puisque l’intoxication brusque ne peut fournir de renseignemens certains sur l’intoxication lente, il faudrait donc étudier celle-ci d’une manière directe au moyen de l’expérience. Des essais de ce genre ont été réalisés, et nous pouvons signaler entre autres ceux qui ont été exécutés très soigneusement par M. S. Lalou, précisément avec l’essence d’absinthe. Ils prouvent que, par une sorte de mithridatisation à rebours, les effets nocifs de cette substance vont en s’accumulant et que la résistance des animaux à l’empoisonnement diminue de plus en plus.


VI

Les désordres provoqués par les spiritueux, présentent une évolution régulière, invariable d’une liqueur à l’autre. Ce développement typique comprend trois degrés et forme, en quelque sorte, trois cycles superposés. — Le premier c’est la Crise d’ivresse simple due à un abus de boisson accidentel : elle débute le plus souvent par des phénomènes d’excitation dans lesquels se révèle, par la diversité des manifestations, — agitation physique, exaltation cérébrale, gaîté ou tristesse, colère ou sensiblerie, — la diversité des tempéramens des buveurs ou celle des liqueurs enivrantes. Mais un caractère constant de cette scène, c’est que toujours elle se termine dans la prostration. Son début peut être incertain et l’excitation peut faire défaut : sa terminaison est invariable ; c’est la dépression, l’obtusion des sens, la sensibilité émoussée, la baisse de la température, la torpeur, le sommeil de plomb de l’ivrogne qui « cuve son vin. » Cette crise est passagère et ne laissera pas de traces si elle n’est pas suivie de rechutes. — Les désordres alcooliques du second degré sont dus à un abus accidentel, mais commis cette fois par un buveur avéré : alors les phénomènes sont plus graves ; c’est le délire alcoolique complet, ou enfin le delirium tremens. — Enfin, le troisième échelon, l’alcoolisme chronique, provoqué par l’habitude persistante des boissons spiritueuses, est caractérisé par l’imprégnation toujours entretenue, fût-ce d’ailleurs par des doses insuffisantes pour produire les accidens aigus des deux cycles précédens « Les ravages n’ont pas alors le caractère bruyant de