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ils ont été rejoints, des rixes ont eu lieu, on dit même que des coups de revolver ont été tirés. Grâce à Dieu, il n’y a pas eu mort d’homme. La police a fait de son mieux, comme le prouvent les blessures reçues par plusieurs de ses principaux agens ; mais, ne s’attendant à rien de pareil, elle n’était pas en force. En réalité, la rue a pendant quelques heures appartenu à l’émeute. Il est possible que tout cela ne soit qu’un commencement ; il est désirable que les mesures nécessaires soient mieux prises désormais, et que le retour d’aussi regrettables incidens devienne impossible. Quoi qu’il en soit, Paris a revu des échauffourées dont il s’était heureusement déshabitué, et qui rendent, pour le moment, sa sécurité assez précaire.

A qui le devons-nous ? A ceux qui devraient assurer cette sécurité. C’est leur politique qui est cause de tout le mal. Si Dieu a pu dire à la mer : Tu n’iras pas plus loin ! ni M. Combes, ni M. Waldeck-Rousseau ne peuvent en dire autant au mouvement qu’ils ont provoqué. Il s’agissait, au début, de supprimer quelques congrégations et quelques établissemens congréganistes : on a supprimé toutes les congrégations d’hommes et on va passer maintenant aux congrégations de femmes. Tout cela était fait, disait-on, dans l’intérêt du clergé séculier, et au nom du Concordat, dont il fallait mieux assurer le respect : le désordre est porté aujourd’hui dans les églises paroissiales, et M. Combes ne trouve rien de mieux à faire que de supprimer le traitement des curés. N’est-ce pas le clergé séculier cette fois, n’est-ce pas l’exercice du culte tel que le Concordat l’a prévu et organisé qui sont en cause ? Mais le Concordat lui-même est battu en brèche. M. Combes ne veut pas sa dénonciation ; il en a parlé néanmoins comme d’une solution possible, probable, prochaine, avec une telle imprudence et légèreté d’esprit qu’on lui a répondu en demandant la dénonciation immédiate. Si la chose a mieux tourné qu’il n’était permis de l’espérer, ce n’est pas la faute de M. Combes ; la Chambre a eu plus d’esprit politique que lui. Et ce n’est pas la première fois que nous le constatons : la Chambre soutient encore le ministère actuel, elle en attend un autre.


En arrivant à Sofia, le prince Ferdinand a fait précisément ce à quoi on s’attendait le moins : il a changé son ministère. Les motifs qui l’y ont déterminé restent inconnus du public et sont assez difficiles à démêler. On a dit que le prince n’était pas bien avec ses ministres, et que l’un d’eux en particulier lui avait manqué de respect avant son voyage. Ce ne sont pas là des raisons suffisantes : la première