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charité, d’être une libre assistance promise entre égaux[1]. »

L’école dont il s’agit a raison à son point de vue. La société de secours mutuels, telle qu’elle résulte de la législation actuelle, n’est que la combinaison d’une assurance mutuelle avec une organisation de bienfaisance. Il y a dans son sein deux catégories d’individus : d’abord les membres participans, contractans qui donnent, mais à la condition de recevoir ; ensuite les membres honoraires, qui distribuent bénévolement des largesses, mais sans rien accepter en retour, et ne sont mus que par un sentiment de charité ou de philanthropie, comme l’on voudra, le mot important peu à la chose. Il suffit de savoir que, dans ce cas, il y a absence de contrat. Ajoutons que les membres honoraires, étant éligibles aux fonctions du bureau, peuvent donner non seulement leur argent, mais leur temps et leur peine, toujours à titre gratuit.

Le caractère de la cotisation du membre honoraire serait tout autre, si celle-ci, au lieu d’être un acte de bienfaisance ne comportant aucun rapport contractuel, devenait, par exemple, une clause additionnelle d’un contrat de salaire. Mais nous n’en sommes pas là. Pour arriver à un tel résultat, il faudrait une organisation du travail que nous ne possédons pas encore et dont l’un des premiers articles consisterait dans la création de sociétés de secours mutuels professionnelles.

Il convient de remettre les choses au point. La société de secours mutuels, telle que nous la connaissons, n’est pas la vraie mutualité, en dépit de son nom, — d’ailleurs quelque peu pédant et qui nous fait regretter la dénomination touchante de confrérie, — puisque, à côté des contractans, il y a des bienfaiteurs sans contrat. Elle est fondée sur la reconnaissance de classes sociales dont le principe de classification serait strictement l’inégalité de fortune. Voilà ce qu’il faut répondre à ceux qui, au moyen d’une logomachie spéciale, entretiennent les malentendus et s’en vont prôner l’égalité pour tous, alors que, dans les institutions qui leur sont chères, — quelquefois parce qu’elles leur sont utiles, — cette égalité est visiblement détruite. Quelle est la conséquence d’une pareille situation ? C’est qu’elle tend à substituer à une organisation entre individus une aide de classe à classe. Comment admettre, en considérant l’organisation légale des sociétés de

  1. Le Mouvement socialiste du 1er août 1902.