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morale sociale, comportant des applications pratiques et destinée à démontrer au public qu’on est supérieur à ses devanciers dans la façon de prévenir ou de guérir les misères humaines. De là la mise à la mode, par exemple, de la lutte contre l’alcoolisme et le développement de certaines œuvres d’assistance auxquelles nous sommes d’ailleurs les premiers à applaudir ; de là aussi la propagation des idées de mutualité en vue de l’amélioration du sort du plus grand nombre ; mais, à ce propos, si nous n’y prenions garde, on tendrait volontiers à nous faire croire que l’on a inventé tout récemment les sociétés de secours mutuels.

Il est possible que, dans la pensée du parti radical, cette sorte d’association, en raison de son but humanitaire, soit destinée à servir de terrain de rapprochement avec les socialistes. Il est plus vraisemblable de supposer que le but caché de la campagne de propagande à laquelle nous assistons soit de faire diversion à certaines revendications gênantes. Mais, outre que, dans l’organisation mutualiste actuelle, la notion de classe est maintenue par la présence des membres honoraires, ce qui ne saurait plaire à tout le monde, nous ne saurions oublier, pas plus que les socialistes, qu’en voulant faire de la mutualité l’assise de la société nouvelle, on détourne les yeux du public d’une question autrement importante, qui est, après tout, la grande, la seule affaire : l’organisation du travail. Si l’on ne cherche pas à combiner avec ses nécessités les diverses modalités des institutions mutualistes, ainsi que nous essaierons plus loin de l’indiquer, on ne fuit qu’apporter un dissolvant dans des efforts qui ont, au contraire, besoin d’être étroitement unis et maintenus en vue du but à atteindre.


V

Une question instructive, mais qui demanderait une enquête délicate, consisterait à déterminer les causes qui ont présidé à la naissance de telles ou telles sociétés de secours mutuels, quels en ont été les fondateurs et, s’il y a lieu, à quelles opinions ou tendances elles obéissent plus ou moins tacitement. A côté du bienfait économique et humanitaire, il n’est pas défendu de supposer, sans faire injure à personne, que les mutualistes, qui sont des citoyens, mêlés à la lutte des partis, peuvent poursuivre, à l’occasion, et par le seul fait de leur réunion, un but