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circonscriptions ecclésiastiques nouvelles et leur laisser ensuite la paix ; le Pape se refusait à n’être qu’un arpenteur et à sacrifier implicitement ses prérogatives de chef spirituel de l’Église. Telles étaient pourtant la détresse des âmes et l’anarchie des clergés, que, pour mettre au plus tôt un peu d’ordre dans ce chaos, l’on signe, en 1821, une entente provisoire : Rome crée cinq évêchés et un archevêché, et les gouvernemens promettent des dotations à ces églises ressuscitées. Mais, à peine ces cadres sont-ils tracés, que les pouvoirs laïques, jaloux d’éconduire le Saint-Siège dont ils croient n’avoir plus besoin, tirent de leurs cartonniers deux documens, dont l’un s’appelle l’ « Instrument de fondation » et l’autre la « Pragmatique d’Eglise. » Les cinq ecclésiastiques dont ils songent à faire des évêques sont mis en demeure d’adhérer, à ces actes : quatre sur cinq y consentent. Or, dans ces actes, tout Febronius revit : en y donnant leur signature, ces quatre évêques éventuels assoient sur le système l’ébronien, comme sur une pierre nouvelle, les établissemens ecclésiastiques dont ils escomptent la gérance. L’instant est solennel : si Rome ferme les yeux, une partie de l’Eglise d’Allemagne lui échappe. Rome proteste, refuse toute investiture épiscopale aux ecclésiastiques signataires, l’effet de la bulle de 1821 est suspendu.

Une bulle nouvelle finit par être émise, en 1827, dans laquelle le Pape, plus exigeant et plus explicite que naguère, stipulait la liberté de la juridiction épiscopale à l’endroit des souverainetés laïques. Les puissances acceptèrent cette bulle ; elles la publièrent l’une après l’autre, et puis se mirent d’accord, presque toutes, pour rédiger, en 1830, une ordonnance commune, relative au droit de protection et de surveillance territoriale sur l’Eglise catholique. Le statut donné par Rome à la « province ecclésiastique du Haut-Rhin » et les articles additionnels élaborés par les bureaucraties s’affrontaient, se gênaient et se contredisaient. Ce qui importait aux gouvernemens, c’était leur post-scriptum : ce qui importait à Rome, c’était sa bulle. Rome protesta contre le post-scriptum, mais cette fois ne retira point la bulle ; car, en la faisant publier, les gouvernemens, qu’ils le voulussent ou non, avaient scellé l’attache de leurs Églises avec le Vatican : c’était aux évêques et c’était aux fidèles de garantir l’intégrité du scellement. En Bade et en Wurtemberg comme en Bavière et comme en Prusse, Rome avait fait son devoir ; à eux de faire le leur.