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celui de l’Australie, du ministre de la Défense du Commonwealth. De même plusieurs membres du cabinet anglais, le secrétaire d’Etat à la Guerre, le premier lord de l’Amirauté, le président du Board of Trade prirent part, aux côtés de M. Chamberlain, aux discussions qui intéressaient leurs départemens respectifs.

Trois des Premiers coloniaux devaient être, avec M. Chamberlain, les protagonistes de la conférence ; trois autres n’y devaient jouer au contraire qu’un rôle très effacé. Le représentant de Terre-Neuve, sir Robert Bond, et celui de Natal, sir Albert Hime, parlaient au nom de populations trop peu nombreuses pour que leur avis pût avoir grand poids. Sir Gordon Sprigg, délégué du Cap, colonie importante par son étendue et par sa population de près de 500 000 blancs et de 2 millions de noirs, aurait pu en d’autre temps se faire écouter. Mais la moitié, sinon la majorité de ce demi-million de blancs était hier encore en révolte ; la plus grande partie du reste, les loyalistes, les Anglais d’origine, accusaient sir Gordon Sprigg de les trahir, de les abandonner aux vengeances des Afrikanders, en s’opposant à la suspension de la constitution coloniale. Dans ces conditions, l’autorité de ce ministre n’était pas entière, et il ne pouvait tenir, lui aussi, qu’un rôle quelque peu passif.

Toute différente était la situation des trois autres Premiers. Celui qui attirait le plus l’attention publique était sir Wilfrid Laurier, non seulement parce qu’il représentait les 5 millions et demi d’habitans de la plus grande, de la plus prospère, de la plus peuplée des colonies, mais encore parce qu’il était Canadien français et parlait spécialement au nom de ses compatriotes, que la force des armes avait soumis à la Grande-Bretagne, mais que l’habileté de son gouvernement avait su lui attacher par un véritable chef-d’œuvre de politique coloniale. On attendait avec anxiété l’avis qu’il allait exprimer sur les problèmes de l’impérialisme. A peine arrivé en Angleterre, dans les banquets, dans les réunions auxquels furent invités les Premiers coloniaux, il se prononça nettement, et l’on vit que, si le Canada s’était montré disposé à faire à la Grande-Bretagne quelques concessions commerciales, il ne fallait pas compter sur lui pour entrer dans une union militaire. En tous ses discours, M. Laurier semblait hanté par la crainte de voir l’Empire britannique se précipiter « dans le tourbillon du militarisme, » in the vortex of militarism, et déclarait