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Il y a certainement des villes, — comme des êtres, — privilégiées. Il y a, à certains momens de l’histoire, des heures décisives, des « jours de l’homme » qui expliquent, pour un temps, l’énigme de l’humanité.

Après Athènes, le rôle d’Olympie dans l’histoire de la sculpture grecque fut considérable, en ce sens qu’il détermina, — comme je l’ai dit, en centralisant les efforts en quelque sorte provinciaux des Hellènes autour d’une capitale de jeux et de religion, — la marche des « arts du temple » jusqu’à l’extrême décadence. On prit de toutes parts l’habitude de consacrer, en la ville sainte, comme des ex-voto, des statues représentatives de souvenirs locaux ou de grands hommes déifiés. Et surtout, l’usage s’étant de bonne heure établi d’élever aussi des statues aux vainqueurs des jeux athlétiques, du même coup la représentation uniquement cherchée de l’homme nu, en sa force et son triomphe physiques, amène très vite les artistes à se défaire des habitudes conventionnelles des anciens sculpteurs de divinités. La signification et la beauté de la sculpture, art essentiellement tangible, qui ne vaut que par sa réalité pure, — sa vérité mesurée, — en sont subitement agrandies. Et, de ce hasard encore, de cette nécessité historique, se fait en sept ou huit olympiades, pas davantage, le décisif progrès. Les premiers vainqueurs aux jeux olympiques qui eurent leur statue sur la place publique sont Praxidamos d’Egine (olympiade LIX) et Rhexibios l’Opuntien (olympiade LXI), statues en bois qui étaient moins des portraits que des images encore conventionnelles, sans aucune recherche de physionomie individuelle. Et, à peine cent ans après, dans l’enceinte sacrée de cette même Olympie, mais après la venue de Phidias, l’art le plus puissant et le plus élégant à la fois couvre de hauts reliefs les frontons des temples et encombre de parlantes statues le bois sacré de l’Altis, dont les noirs cyprès et les oliviers pâles promenaient de transparentes ombres sur le grand temple polychrome de Zeus olympien. Alcamènes, qui a pu être un moment le rival de Phidias, garde, avec moins de liberté, la pure tradition attique. Paonios de Mendé, sur la commande de Messinicus, sculpte la grande Niké, retrouvée à Olympie, — l’aïeule sévère et hardie, un peu gauche encore, de la Victoire de Samothrace, et de la petite déesse ailée de Pompéi, — coureuse hère qui passe, le corps audacieusement porté en avant et dessiné nettement sous les plis du