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nous étions allés chercher à Londres. Que voulions-nous ? Que certains nuages, déjà dissipés en partie par le voyage du roi, disparussent tout à fait après celui de M. Loubet. Ce n’est pas le moment de rappeler des incidens dont quelques-uns ont été pénibles : mieux vaut désormais ne plus en parler. Nous souhaitons surtout qu’ils ne se renouvellent pas, et nous sommes convaincus qu’on ne le souhaite pas moins de l’autre côté de la Manche.

Non pas que nos intérêts soient destinés à n’être jamais plus en opposition avec ceux de l’Angleterre : si nous le disions, personne ne le croirait ; mais ces oppositions d’intérêts peuvent se résoudre à l’amiable, pourvu qu’on y mette de part et d’autre la même bonne volonté. Les voyages du roi et du président sont très propres à susciter cette bonne volonté, parce qu’ils ont amené une détente et comme un changement d’humeur entre les deux pays. Ce n’est pas chose indifférente d’aborder une discussion quelconque, comme nous en aurons encore, avec bonne ou avec mauvaise humeur. Désormais le ciel s’est rasséréné sur le détroit ; il est pour le moment tout au bleu ; nous tâcherons de ne pas le laisser s’obscurcir de nouveau. Il n’y a rien de plus maladroit, lorsqu’on est d’ailleurs décidé à éviter les grosses querelles, que de s’échauffer ou de s’énerver dans de mesquines disputes. On a parlé de politique de piqûres d’épingles, en nous accusant, bien à tort, de l’avoir pratiquée. Quoi qu’il en soit, nous condamnons cette politique, qui ne peut avoir finalement pour conséquence que de compromettre les grands intérêts, sous prétexte de servir, mais, en réalité, en desservant les petits eux-mêmes. Et nous croyons fermement, d’après les marques d’amitié qu’ils viennent de nous donner, que telles sont bien les dispositions des Anglais à notre égard. Ils ne sont pas toujours faciles, ni toujours aimables en affaires ; ce n’est pas leur genre ; mais, au milieu de leurs brusqueries, ils n’ont pas contre la France de mauvais sentimens. Ils en ont même de bons ; ils sont portés à la bienveillance envers nous quand nous ne les gênons pas. C’est quelque chose, et il ne faut pas leur demander plus. Dans les nouveaux classemens qui se font, ou qui tondent à se faire en Europe, rien n’éloigne les Anglais de nous et ne nous éloigne d’eux : tout, au contraire, tend à nous rapprocher. Il ne faut pas parler d’alliance ; les Anglais n’en font pas et nous n’en avons pas besoin, étant pourvus à cet égard ; peut-être même le mot d’entente cordiale, dont on se servait autrefois, ne serait-il pas aujourd’hui tout à fait juste ; celui de bon voisinage, que nous avons déjà employé, est sans doute celui qui convient le mieux à la situation, et il