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dommage du pittoresque. C’est entouré de l’appareil d’un seigneur du XIIe siècle, de plusieurs centaines d’hommes, de serviteurs, qu’Impoinimerina est venu, en juillet 1901, saluer à Tulear le général Gallieni.

« Remontant les hautes vallées de la zone forestière, nous voici chez les Tanala, chez les Andrabé. Nouveau bond en arrière. A mon premier kabary à Médongy, j’étais en pleine Iliade ; les tribus étaient venues de loin amenées par leurs chefs. Assis en demi-cercle, sur les vastes glacis du poste, les groupes étaient massés, en rangs profonds, chacun derrière son « roi, » ainsi qu’on les désigne encore couramment. Ceux-ci parlèrent tour à tour, déroulant leurs périodes nombreuses et imagées, simples dans leurs gestes, orateurs nés. Dès que l’un « avait dit, » il se rasseyait après avoir jeté sur son peuple un regard circulaire ; le suivant se levait, et il convenait de laisser cours à ces éloquences royales : leur prestige en dépendait ; chacun des discours était scandé par le murmure approbateur du peuple, par le frémissement des sagaies dont les fers brillaient au-dessus des têtes. Les jeux suivirent, les hommes joutant de la sagaie, couverts du bouclier ; les adolescens luttant, nus, corps à corps ; les femmes, frappant des mains, encourageaient de leurs gestes et de leurs chants. Et quand, selon la coutume, furent apportés les présens d’hommage, les deux jeunes hommes conduisant un taureau, leur lamba ramené sur le bas du visage, évoquèrent brusquement à mon souvenir la frise des Panathénées.

« Enfin, à l’extrême Sud de l’Ile, près du Cap Sainte-Marie, chez les Antandroy, nous sommes aux âges préhistoriques. Là, l’organisation sociale la plus rudimentaire ; aucun indice de civilisation. Les groupes à l’état anarchique guerroient sans cesse pour la possession des troupeaux à laquelle ils attachent un prix superstitieux, n’en trafiquant pas. Ils vivent sans besoins, dans des huttes informes, dissimulées derrière d’impénétrables murailles d’euphorbes et de cactus, ignorant l’usage de la monnaie, insoucieux de tout perfectionnement. Comme jeux, des danses sauvages, où les hommes, les bras enlacés sur plusieurs rangs de profondeur, frappent la terre du pied au rythme d’un air rude et monotone.

« Ce rapide tableau suffit à faire comprendre combien il serait impossible et absurde de prétendre enfermer dans une formule uniforme une telle diversité de races. Je ne crois pas en effet