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son absence, ses grands vicaires ne jouiront pas. — Mais, sur ce fauteuil, l’évêque ne fait rien ; il semble même qu’il soit invité, respectueusement, à ne rien dire. C’est ce qu’exprime avec une ingéniosité alambiquée, où l’on serait tenté de voir quelque ironie, M. De Renty : « L’évêque nous représente, dit-il, dans l’assemblée, l’autorité et la paternité de Dieu ; et son silence nous y marque sa sainteté et sa retraite ait trône de sa gloire. » Aussi bien y eut-il probablement peu d’évêques sur ce « trône de gloire » et d’inaction, car il y en eut peu qui connurent la Compagnie. D’Argenson a beau dire que, « pleine de respects pour MM. les évêques, elle recevait avec joie tous ceux qui témoignaient désirer d’y avoir entrée : » il ne nous en cite qu’un exemple[1]. Les seules villes où elle mit l’évêque dans sa confidence furent probablement celles dont l’évêque connaissait par avance, ou même faisait partie de la société avant son élévation à l’épiscopat. D’après les noms et les dates donnés par d’Argenson, complétés par M. Allier, on peut calculer que, sur les cent vingt-sept archevêques ou évêques de la France de 1635, il y en eut, au plus, vingt affilies à la Compagnie. Partout ailleurs, c’est-à-dire dans près de quarante villes, on se cache d’eux. On se cache de ceux mêmes qui, comme Pierre Scarron, à Grenoble, sont des prélats zélés, de qui les œuvres devraient édifier la Compagnie, et qu’elle devrait compter édifier par les siennes. Et le moyen qu’elle emploie pour rester ignorée d’eux fut, sans doute, plus d’une fois celui que la candeur de d’Argenson nous dit avoir fort bien réussi à Périgueux : on fit approuver à l’évêque les statuts d’une Confrérie, — comme il y en avait beaucoup alors, — du Saint-Sacrement, — confrérie publique, ostensible, qui fut le manteau derrière lequel la Compagnie du Saint-Sacrement s’abrita.

A mesure que les Compagnies se multipliaient, il s’agissait aussi de dissimuler leur filial l’on et leurs rapports. Là encore, les artifices employés par la Compagnie sont très ingénieux, trop ingénieux. Ainsi, en 1659, M. De Bagni, le nonce du Pape, ami et admirateur de la Compagnie, voulait à toute force en établir, à Rome même, une semblable. Maintes fois il avait demandé, à cet effet, communication des statuts. On éludait toujours. Enfin, par déférence, il fallut céder. Mais alors, non seulement « il fut

  1. Celui de Pierre Pingré, qui, sacré, en 1659, évêque de Toulon, se fait agréger avant son départ à la Compagnie de Paris.