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longtemps, avait rangé les sucres parmi les alcools polyatomiques, les alcools à fonction mixte et les éthers : le glucose, par exemple, était déjà, pour lui, cinq fois alcool et une fois aldéhyde. Les travaux ultérieurs de Fischer et des chimistes allemands ont étendu et précisé ces vues. On a reconnu que les sucres, outre la fonction alcool, possèdent la fonction aldéhyde, et ce sont alors des aldosés (galactose, glucose proprement dit, maltose) ; ou bien ils présentent la fonction acétone, et ce sont alors des cétoses (le lévulose en est un exemple) ; ou, enfin, la fonction étheroxyde, ce qui est le cas du saccharose.

Parmi les propriétés que peuvent présenter les sucres, il en est une, comme l’on sait, qui a été de la plus grande utilité pour leur recherche, c’est la propriété de réduire la liqueur bleue de Fehling, c’est-à-dire de la détruire en précipitant le cuivre à l’état d’oxydule. La réduction est la conséquence d’une oxydation partielle. On sait maintenant que cette oxydation ne se produit qu’aux dépens de la fonction aldéhyde ou de la fonction acétone. Ce sont ces deux groupemens qui rendent vulnérable la molécule du sucre ; et, de fait, ne sont réducteurs que les sucres qui les possèdent, c’est-à-dire les cétoses et les aldoses.

Les sucres se distinguent encore par leur pouvoir rotatoire, et l’on sait que, dans les analyses industrielles elles-mêmes, l’examen polarimétrique remplit un office important : fréquemment, on a à déterminer le pouvoir rotatoire de telle ou telle liqueur sucrée. On avait remarqué depuis assez longtemps que les valeurs numériques obtenues présentaient des variations considérables d’un moment à l’autre. On a saisi, enfin, la loi et la cause de ces variations. Si l’on dissout, par exemple, du glucose cristallisé dans l’eau froide et que l’on prenne immédiatement son pouvoir rotatoire, on trouve 26°, 3 : si l’on renouvelle l’essai après un quart d’heure, une demi-heure, le nombre trouvé s’accroît jusqu’à un maximum qu’il ne dépasse plus et qui est de 52°, 6, c’est-à-dire précisément double du nombre initial. Le pouvoir rotatoire a donc doublé : il y a eu birotation. Avec le maltose, ce n’est pas un doublement du chiffre initial que l’on observe, mais, au contraire, un dédoublement : il y a semi-rotation. D’une façon générale, et, pour ne rien préjuger sur le sens du phénomène, on lui a donné le nom de multirotation. M. Tanret a étudié ces curieux changemens avec beaucoup d’attention. Il a vu que les sucres anhydres existaient sous trois formes