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fonctionnement vital, mais, au contraire, un rôle fondamental et nécessaire. C’est une catégorie de substances essentielles à la vie, presque au même titre que l’oxygène, et qui auraient droit au nom de pabulum vitæ attribué, depuis l’antiquité, à l’air que l’animal respire. — En ce qui concerne les animaux supérieurs, il est démontré, suivant la pittoresque expression de Claude Bernard, qu’ « ils vivent dans un sirop » et qu’ils ne peuvent pas vivre autrement. Le sang qui baigne et alimente toutes les particules, tous les élémens cellulaires de l’organisme doit être sucré. C’est une obligation inéluctable. Sous peine de mort pour chacun des élémens individuels et pour l’organisme tout entier, le sang doit contenir du sucre de glucose en proportion suffisante ; il doit être un sirop, — sirop un peu clair à la vérité, puisqu’il ne renferme qu’environ 1gr, 5 par litre. — Si l’on veut parler sans image, on dira : le milieu indispensable à la vie des élémens anatomiques, chez les vertébrés supérieurs, doit être une solution sucrée, d’un degré de concentration égal à un et demi pour mille.

D’autre part, on sait, depuis les travaux universellement connus et devenus classiques de Claude Bernard, qu’un organe déterminé, le foie, est préposé à l’exécution rigoureuse de cette condition. Si l’alimentation est riche en matières sucrées ou féculentes (qui sont les unes et les autres transformées finalement en glucose par le travail de la digestion), le foie retient cet excès de sucre qui lui est amené par le liquide sanguin. Il en fait provision ; il l’entrepose en lui-même, dans son propre tissu, dans les cellules hépatiques, après lui avoir donné, au moyen d’un léger remaniement, une forme, qui se prête mieux à sa conservation, celle de substance glycogène appelée encore amidon animal ou dextrine animale. Grâce à cette précaution, l’afflux du sucre alimentaire ne vient point périodiquement, après chaque repas, surcharger le sang ; et, par suite, le liquide nourricier conserve l’uniformité de composition qui est indispensable à la régularité du fonctionnement de la machine vivante.

Au contraire, dans l’intervalle des repas, le foie recourt à sa réserve pour remplacer le sucre qui se détruit à chaque instant dans le liquide sanguin ; il fait repasser le glycogène à l’état de glucose, et l’abandonne au sang, dans la proportion qui convient pour que le taux normal s’y rétablisse et y demeure invariable. L’agent de cette transformation du glycogène en sucre de