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I

La guerre de mai 1803, « suscitée presque sans prétextes par le haut commerce anglais[1], » ne fut une surprise pour personne en Europe ; mais elle parut prématurée à tout le monde. Personne n’y était prêt ; d’où la continuation des manœuvres diplomatiques, commencées auparavant, et qui se poursuivent toute une année, sourdement. C’est, de la part de Bonaparte, les préparatifs d’une sortie formidable, la recherche de diversions à longue portée ; de la part de l’Angleterre, de la Russie, de l’Autriche, un mouvement tournant, un investissement progressif de la France. L’Angleterre porta les premiers coups, frappa les alliés de la France, saisit les bâtimens hollandais, menaça les Espagnols et se mit en quête d’alliés, avant tout, la Russie. L’amiral Waren, envoyé anglais à Pétersbourg, fut chargé de démontrer aux Russes que « Malte devait rester pour toujours à la Grande-Bretagne, comme nécessaire à son commerce, à la sécurité de ses possessions indiennes et à son rapprochement avec le Sud de l’Europe. » Malte n’est pas moins nécessaire « au bonheur de l’Italie, à l’indépendance de la Méditerranée et du Levant. » Le ministre des Affaires étrangères, Hawkesbury, le déclare, en juin 1803, à l’ambassadeur de Russie, Simon Woronzof, et il ajoute : La France refuse cette île à l’Angleterre ; l’Angleterre s’obstine à la garder ; si les Français reprennent jamais « leurs vues d’usurpation » sur l’Egypte et la Syrie, Malte est sur la route, et, de Malte, une escadre anglaise pourra facilement les arrêter. « Cette île, entre les mains des Anglais, protégera l’Egypte, la Syrie, la Morée, l’Archipel, l’Italie méridionale et la Méditerranée entière des tentatives françaises. »

Cette ouverture à la Russie se faisait à propos. Alexandre se

  1. Albert Blanc, Mémoires et Correspondances de Joseph de Maistre. Les documens cités dans cette étude sont tirés des Archives des Affaires étrangères et des ouvrages suivans : Correspondance de Napoléon ; Correspondances publiées par Bailleu, Tratchewsky, Bertrand, Stern, comte Remacle ; Archives Woronzof ; Papiers de Joseph de Maistre ; Lettres de Rostopchine ; Mémoires de Czartoryski, de Metternich, de Talleyrand, de Rœderer, de Marmont ; Ouvrages de Lefebvre, Thiers, Martens, Beer, Fournier, Stanhope, Frédéric Masson, Legrand, Helfert, Pingaud, Bernhardi, Ranke, Oncken. Je dois mentionner en outre les publications si riches et circonstanciées de la section historique de l’État-major de l’armée : les Projets et tentatives de débarquement aux Iles britanniques, 1793-1805, par M. Desbrières ; la Campagne de 1805 en Allemagne, par MM. Alombert et Colin.