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lique. Elle-même elle institue des confréries d’imprimeurs. Elle n’oublie pas l’instruction primaire : elle collabore, « en l’approuvant beaucoup, » à l’établissement d’un « séminaire de maîtres des petites écoles, » espèce d’école normale pieuse dont Saint-Nicolas du Chardonnet reçut, en 1659, les premières assemblées[1].

Car il est bien entendu que, dans toutes ces œuvres auxquelles la Compagnie du Saint-Sacrement participe ou qu’elle crée, l’intention de propagande chrétienne est toujours présente, et dominante. C’est en vue de l’extension du « règne de Dieu, » c’est pour le compte de l’Eglise qu’elle fait au siècle un bien temporel. Et c’est également dans les choses d’ordre purement religieux qu’elle prétend travailler, « selon son esprit à elle, » avec la méthode. qui lui est propre, pour Dieu et pour l’Eglise. Non moins ample que son activité charitable et morale, son activité spirituelle est peut-être plus curieuse encore.

Pas un adversaire, pas un concurrent, réel ou présumé, de l’orthodoxie catholique et romaine, qu’elle n’attaque et ne cherche à détruire.

Sur sa lutte contre les Protestans, j’aurai plus loin l’occasion de revenir et d’insister, pour en montrer non seulement l’animosité déplorable, mais l’inutile injustice. Disons tout de suite que la Compagnie y apporta, pendant le tiers d’un siècle, toute la vigilance et toute l’ingéniosité imaginables. Ce fut un chef-d’œuvre de persécution.

Les Juifs, qui, étant hors la loi, se dissimulent, l’occupent moins souvent, mais lui donnent plus de peine. « Le 26 février 1632, on prévint la Compagnie qu’il se faisait une assemblée de Juifs » dans ce faubourg Saint-Germain où, en ce temps-là, se cachaient tous les irréguliers, non loin, du reste, de cette rue de la Harpe, où jadis il y avait eu une synagogue et un cimetière israélite. Aussitôt « chacun de travailler à en découvrir le lieu, et ce soin » interrompit pour quelque temps « ces méchantes assemblées. » Quand elles reprirent, « on leur donna la chasse » de nouveau. A Metz, en 1648, c’est la Compagnie qui empêche que les Juifs ne s’établissent dans les campagnes, et, en 1649, à Paris, c’est dans le sein de la Compagnie que l’on discute « les moyens de bannir entièrement les Juifs du royaume. »

  1. D’Argenson, 1654, 1655. « M. L’Eschassier, maître des comptes, » en fut l’organisateur.