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Enfin, il y avait dans cette recherche persévérante du plus petit espace couvert, avec la crainte que les unités n’échappassent à la direction immédiate du commandant en chef (entre autres motifs, à cause de la difficulté d’interpréter de loin des signaux noyés dans la fumée) et que la coordination des efforts n’en fût par conséquent altérée, il y avait l’influence obscure d’une assimilation instinctive de l’escadre à vapeur avec la phalange ou la légion, l’admiration atavique des formations compactes, la vieille conception du bloc solide, « inentamable. »

L’allongement des unités, avec son corollaire, l’augmentation du rayon de giration, l’entrée en jeu d’une arme nouvelle, la torpille automobile, et surtout les progrès de l’artillerie à tir rapide, ébranlaient cependant, il y a douze ou quinze ans, l’opinion que les officiers réfléchis se faisaient de la physionomie du combat d’escadre et de l’intérêt des formations serrées.

En ce qui touche la torpille, on remarquait qu’elle donnait à chaque bâtiment une zone de protection morale contre les tentatives d’attaque par le choc, car, si cette tentative échouait, — et cela devenait de plus en plus probable, en raison même de l’augmentation des rayons de giration, — une riposte terrible, grâce à la torpille automobile, restait à la disposition du navire attaqué contre un adversaire qui lui passait forcément à très courte distance. Et, en même temps, pour le même motif, notons-le bien, le danger s’éloignait pour l’escadre, prise dans son ensemble, de voir la force navale ennemie essayer de rompre sa ligne.

En ce qui concerne l’artillerie à tir rapide, on commençait à sentir confusément que, d’une part, la puissance de ses feux, mise en valeur par la protection donnée à chaque canon ou à des groupemens restreints de pièces, de l’autre, une distribution plus égale de cette artillerie dans toutes les directions, pouvaient donner l’idée d’une tactique nouvelle où le tracé des ordres adoptés s’inspirerait de l’avantage de restituer à chaque unité de combat un champ d’action particulier plus étendu, plus libre, que celui qui lui était assigné dans les formations anciennes. Et, dès lors, germait dans les esprits l’opinion que, si les liens qui rattachent, au combat, les diverses unités les unes aux