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autres pouvaient être relâchés sans inconvénient pour la simultanéité, pour la concordance des efforts et au grand bénéfice de l’efficacité des moyens d’action de chacune d’elles, il ne restait plus pour les évolutions d’exercice à rangs serrés que des risques très supérieurs aux avantages qu’on en attendait.


La bataille du Yalou vint, il y a huit ou neuf ans (17 septembre 1894), jeter quelques clartés sur ces questions encore obscures. On y vit l’un des partis combattre suivant les formules traditionnelles, et ce fut le vaincu, les Chinois. On y vit l’autre combattre suivant les idées nouvelles, et ce fut le vainqueur, les Japonais. Et ceci ne veut pas dire que l’application de principes nouveaux dût nécessairement donner le succès aux uns, tandis qu’aux autres le respect des vieilles méthodes devait valoir un grave échec. Victoire, défaite ont des facteurs plus complexes. Il y a même ceci d’assez curieux dans la bataille du Yalou, que les Japonais, finalement, y cédèrent « le terrain » aux Célestes. Mais ceux-ci avaient perdu six unités sur dix qu’ils avaient engagées. Les quatre restantes étaient dans un état lamentable et, en tout cas, la force morale des survivans était brisée. Lentement, ruines fumantes et brûlant encore dans les hauts, les deux grands cuirassés chinois, Ting-Yuen et Chen-Yuen, s’acheminaient vers Port-Arthur, qu’ils ne devaient plus quitter que pour aller s’ensevelir à Weï-haï-Weï. Quant aux Japonais, leur retraite momentanée n’avait d’autre motif que l’épuisement des munitions des canons à tir rapide (c’est là le revers d’une belle médaille… la nécessité d’approvisionnemens considérables) et, le lendemain du combat, leur escadre, consciente de sa victoire, revenait à l’embouchure du Yalou et y détruisait deux croiseurs chinois échoués dans la vase.

Quelle avait donc été l’idée directrice de la méthode de combat de l’amiral Ito ? — C’est d’obtenir, grâce à la supériorité de vitesse et en vue de l’utilisation de la supériorité d’artillerie, l’enveloppement tactique, à la distance moyenne de 3 000 mètres.

Le commandant en chef japonais, tout en ayant exécuté sa marche d’approche en ligne de file régulière, ne s’était nullement astreint à conserver au cours du combat un ordre rigide et serré, ni des distances invariables. Il avait, au contraire, laissé s’agrandir les intervalles qui séparaient ses bâtimens, de manière à donner des effets de convergence aux feux rapides dont il