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s’y oppose, et tantôt y sert de levier. En ce sens, et pour qui veut la puissance, la vie n’est pas toujours ce qu’on a de plus cher. La liberté n’est qu’une belle raison, et la volonté dominatrice la donne à tous ceux qu’elle veut dominer. Agir en liberté, c’est ce qui vaut le mieux ; mais autant dire : agir selon son bon plaisir ; fais ce qui te plaît le mieux, à la condition que ce soit l’œuvre à quoi tu es le mieux fait toi-même. Et, par conséquent, si le désir de la fuite est si joyeux en toi, petite fille, écrase en traîneau ton vieux père sur la route : il n’en saura rien, ni toi non plus ; la nuit est belle ; la neige est solide ; la glace est bonne ; tu glisses à toute vitesse et tu passes. Les hommes non communs agissent hors du commun ordre, et n’ont pas besoin de raisons. Trahir une grande force, c’est le plus grand crime. Il faut donc vouloir, il faut oser être soi-même. Quiconque doute de soi n’est pas digne de se faire croire. Le doute est la faiblesse même. Croire à sa propre vérité, pour que les autres y croient ; et de même à son droit, à son autorité, à sa force. Qui a une œuvre à faire ne doit s’arrêter à rien. La force et la volonté du plus fort imposent à la foule ce qu’elle ne peut jamais comprendre. Font partie de la foule tous ceux qui ne servent pas, corps et âme, à l’œuvre proposée. Nul lien avec les autres : rien n’est plus amer que de n’être pas compris ; mais l’essentiel n’est pas qu’on me comprenne : c’est qu’on m’aide. Si mon ami ne croit pas en moi, je n’ai que faire de mon ami ; je n’ai plus besoin de lui ; il m’importune ; et qu’il n’invoque pas sa vérité contre ma vérité : je n’en connais qu’une, — la mienne ; que la sienne s’y ajuste : savoir tromper, c’est en quoi l’amitié consiste. Sur le point de céder aux femmes, il faut savoir se soustraire à leur fatale mollesse, et fuir Capoue. Leur éternelle exigence, leur requête d’amour est le piège où trébuchent les meilleurs hommes. Pour elles, rien au monde ne prévaut sur les droits du cœur ; et non pas même du cœur, comme l’entend un homme, — mais de leur cœur. Tout ne compte à leurs yeux qu’au regard de la famille ; tandis que l’homme, fait pour dominer, ne se soucie point de toutes ces affaires domestiques, et dit de son propre fils : il est un étranger pour moi, je suis un étranger pour lui. Qu’on soit d’abord à l’abri de ces molles influences, de cette pluie patiente qui vient à bout du granit. Les femmes nous gâtent l’existence ; elles nous font perdre de notre prise sur le monde ; elles brisent nos destinées ; elles nous