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désiraient repos et sécurité et aussi les gens de Bassora fuyant leurs marais pestilentiels ou les exactions du gouvernement turc. D’un autre côté, le gouvernement britannique, qui, au commencement du siècle, avait cherché à placer cet État sous son influence et qui y avait installé en 1820 un résident, n’avait pas persisté dans ses visées. Pendant de longues années même, le gouvernement des Indes attacha d’autant moins d’importance à la possession de ce port que le célèbre voyageur Lowett Cameron, chargé d’étudier le tracé du futur chemin de fer de Londres à Bombay par le golfe Persique, avait déconseillé à ses compatriotes de faire de Koweït l’emplacement de la gare terminus de ce chemin de fer, sous prétexte que cette ville n’était pas à l’embouchure de l’Euphrate. Mais des faits récens, au nombre desquels il faut citer le prolongement du chemin de fer de Koniah à Bagdad, ont éveillé à nouveau les inquiétudes britanniques. Alléguant que « la suprématie britannique dans le golfe Persique est indispensable à la sécurité du régime britannique dans l’Inde, » lord Curzon s’est empressé de resserrer ses rapports avec Moubarek, le cheïk placé en ce moment à la tête du petit État. Tout d’abord, et sous son inspiration, la Compagnie de navigation la British India a fait de Koweït une de ses escales, puis un véritable traité de protectorat a été conclu, il y a trois ans, entre le gouvernement britannique et Moubarek. L’Angleterre a promis sa protection au cheïk et à la république de Koweït et s’est engagée à les défendre contre toutes les prétentions et revendications étrangères. À son tour, le cheïk de Koweït a cédé au gouvernement de l’Inde un port d’une réelle valeur. Ce port serait situé, d’après des renseignemens pris sur place, à vingt kilomètres de Koweït dans la direction Est-Nord-Est, au pays des Beni-Lam, et serait admirablement placé, non loin de l’embouchure du Chatt-el-Arab, qu’il commande. À cet endroit, les fonds de plus de dix mètres sont à peine distans de quelques cents mètres du littoral. C’est le véritable havre marin de l’Euphrate. En même temps, Moubarek concédait à l’Angleterre des privilèges douaniers considérables à Koweït même et dans le port de Kassina, dépendant de ses États. Il acceptait auprès de lui la présence d’un agent consulaire et consentait à ce qu’un pavillon anglais flottât à l’entrée du port, avec cette indication que ce drapeau avait été placé là par ordre de Moubarek et que serait sévèrement puni quiconque tenterait de l’enlever. Le cheïk