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presque toujours efficace. La candidature du cardinal Rampolla, qui avait peu de chances de succès avant, n’en avait plus aucune après : mais, par un contre-coup encore plus certain, la démarche autrichienne a irrémédiablement compromis, ou plutôt perdu et tué les candidatures germaniques. Il ne pouvait plus être question ni du cardinal Gotti, ni du cardinal Vannutelli. Ce dernier surtout a été bien mal servi par ses amis. Après la mort de Léon XIII, sa candidature avait été d’abord présentée comme celle d’un homme religieux, pieux, neutre en politique, et, si elle avait conservé jusqu’au bout ce caractère, elle aurait pu réussir aussi bien que celle du cardinal Sarto. Elle ne l’a pas conservé : le cardinal Vannutelli a été le candidat favori de certaines puissances. Il en a été de même du cardinal Gotti. Alors il a été évident que l’entente ne pouvait se faire que sur le nom du cardinal Sarto.

On s’est demandé quelle sera l’attitude de Pie X à l’égard de l’Italie. Sans avoir la prétention d’être prophète, nous sommes convaincus qu’elle sera, à quelques nuances près, ce qu’a été celle de Léon XIII. La population de Rome a l’imagination vive et prompte ; elle croit volontiers, ou du moins elle espère toujours ce qu’elle désire. Les journaux ont raconté que la foule immense qui se pressait devant Saint-Pierre, lorsqu’une fenêtre s’est ouverte devant elle et que l’élection du nouveau pontife lui a été annoncée, se demandait avec anxiété si le pape lui-même n’allait pas apparaître, et donner urbi et orbi, à la ville et au monde, la bénédiction publique qui était tombée pour la dernière fois des lèvres et de la main de Pie IX. Cela aurait voulu dire pour elle que Pie X renonçait à se considérer comme prisonnier au Vatican, qu’il rentrait en communication directe avec le monde du dehors, et qu’il acceptait en principe les faits accomplis. Si le pape s’était montré à la loggia de Saint-Pierre, nul doute que l’acclamation qui serait montée vers lui aurait été formidable ; mais il ne s’est pas montré, et la foule a dû se précipiter dans la basilique pour le voir et pour l’acclamer.

Il n’y a pas d’illusion plus chimérique que de croire, du moins en ce moment, à la réconciliation du Vatican et du Quirinal. La question parait insoluble dans les termes où elle a été posée jusqu’ici, et rien ne fait prévoir que, ni d’un côté ni de l’autre, on soit disposé à les modifier. Il est bien probable qu’au Vatican même on ne croit guère à la possibilité de la restauration du pouvoir temporel ; mais on n’y sent que plus profondément la nécessité, pour rassurer le monde catholique sur l’indépendance du Saint-Père, que cette indépendance