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« diables étrangers » sous laquelle les légendes des Célestes nous représentent nous-mêmes au commun des Chinois. Nous sommes renseignés sur le cas qu’il faut faire de ces appellations et de ces légendes.

On sait que les Anglais se trouvèrent dans l’impossibilité de constituer autrement la plus grande partie de leur contingent du Pé-tchi-li[1] : les envois considérables de troupes qu’ils venaient

  1. Pour 10 000 combattans, hindous pour le plus grand nombre, le corps expéditionnaire anglais comptait, au Pé-tchi-li, 7 200 domestiques et 4 000 coolies (followers). On cite le cas de colonnes ayant opéré dans cette contrée et qui comprenaient, pour 1 000 combattans, 1 640 animaux de bât, 220 voitures et 1 800 serviteurs, soit 3 mulets pour 2 hommes, 1 voiture pour 4 hommes et presque 2 coolies par combattant. Ce sont là également les proportions des combattans et des non-combattans dans la plupart des colonnes expéditionnaires anglaises qui ont opéré dans le Soudan, chez les Achantis, et sur les frontières de l’Inde. Dans cette dernière contrée, l’emploi de ce nombre considérable de coolies a pour objet de remplacer le service du train régulier des équipages dont les troupes indigènes, comme d’ailleurs nos troupes d’Indo-Chine, sont dépourvues, en raison de la difficulté que l’on éprouverait, dans la plupart des cas, à utiliser en campagne du matériel sur roues dans ces régions. Il y a là, pour les grandes colonnes constituées au moyen d’élémens coloniaux, principalement quand elles sont appelées à opérer hors de leurs contrées d’origine, comme c’était le cas en Chine, une cause d’infériorité : de pareils convois ayant pour effet de les alourdir et de nuire ainsi beaucoup à la rapidité des opérations.
    Dans le Pé-tchi-li, les Anglais avaient remédié dans une certaine mesure à ces inconvéniens, en se servant pour leurs transports, particulièrement pour leurs convois de ravitaillement, de petits chevaux et de mulets de bât amenés de l’Inde, ou achetés au Japon, avant que cette Puissance eût interdit l’exportation de ces animaux, ou, enfin, capturés en Chine : un seul Hindou conduisait trois et quatre de ces mulets qui se suivaient à la queue leu leu, le bridon de l’un attaché à la queue de l’animal qui le précédait. Mais l’emploi de ce mode de procéder, quand on a affaire à un ennemi tant soit peu entreprenant, présente un grand danger, en raison du désordre que des animaux conduits ainsi, presque en liberté, peuvent, en cas d’attaque, occasionner dans les rangs des combattans : la guerre anglo-boër en offre quelques exemples fameux.
    Ajoutons que le bât léger porté par ces animaux, comme d’ailleurs on l’a constaté pour la plus grande partie du matériel et de l’équipement colonial dont les Anglais étaient pourvus, avait été construit dans un dessein essentiellement pratique : ce bât pouvait, selon les besoins, être utilise pour le service de bât ou pour le service de trait.
    De même, le brancard d’ambulance on civière, dont faisaient usage les Anglais pour le transport des blessés, frappa l’attention des officiers des contingens étrangers qui n’avaient pas encore fait campagne outre-mer, car on trouve ce brancard en service dans presque toutes nos colonies. Ainsi, dans la plupart des bandes chinoises qui étaient d’ordinaire très bien organisées en vue de l’exercice de la piraterie, sur les frontières du Tonkin, chaque combattant était accompagné de celui qui devait relever son arme et le remplacer en cas d’accident, et de deux coolies munis d’un bambou et d’un filet, pour emporter le blessé ou le cadavre. Les bandes actuelles de pirates ou de rebelles opérant dans le Quang-Si. sont ainsi organisées.
    Cette coutume existe, au reste, dans presque toutes les bandes de combattans des peuples non civilisés ; au Dahomey, par exemple, ce service des brancardiers fonctionnait, d’une façon originale d’ailleurs : un guerrier venait-il à tomber, son porteur se ruait sur lui, l’attachait par un membre quelconque, cassé ou non cassé, et le traînait sur le sol sans se soucier de ses hurlemens. jusqu’à ce qu’il fut en sûreté.
    En Extrême-Orient, — les Français, au Tonkin, les Anglais, dans l’Inde, — ont adopté un brancard copié sur ces brancards indigènes, et qui tient à la fois du brancard et du palanquin : il est formé d’un filet ou d’un cadre en toile, suspendu à un long bambou et recouvert d’une petite tente ; quatre ou six hommes, se relayant deux par deux, assurent le transport de chaque blessé.