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« Je relis votre dernière lettre, chère Madame, elle est bien jolie, à l’endroit des bas bleus et du vaudeville de M. Porchat (lequel se trouve ainsi donner le doigt au panthéiste M. Druey), et de tout. Mais, vers la fin, il y a des reproches voilés, et je vous jure qu’en lisant et relisant, il m’est impossible d’y rien voir sinon que j’ai eu quelque gros tort dont je ne me suis pas aperçu. Expliquez-vous, je vous prie, dites quoi. Et entre nous, pas de ces nuages.

« Je suis bien stérile de nouvelles et d’idées, n’étant depuis des jours que dans l’œuvre de mes épreuves ; je hâte, voyez-vous, ces volumes qui me donneront de l’argent, nerf de tout et clé de l’avenir. Cet avenir, c’est le printemps dans deux mois, et je ne sais quoi, que je n’ose préciser encore. En attendant, je pousse à mes volumes, qui me laisseront, en paraissant, le moyen d’aller, si rien d’absolu ne me retient.

« Adieu, que j’aille ou que je tarde, aimez-moi toujours autant et, en distribuant des amitiés à M. Vulliemin, Duclos, gardez les meilleures pour le logis, pour Lèbre, pour M. Ruchet, M. Urbain, embrassez les petits, et Olivier, Madame, comme je vous embrasse tous. Comment est Mlle Sylvie ?

« SAINTE-BEUVE.

« Ci-joint un mot pour jeter à M. Châtelain à Rolle. »


Ce 15 mars 1839.

« Madame et chère amie,

« Je reçois votre lettre et j’y veux répondre aussitôt, sûr cette fois d’avoir exorcisé ce guignon des lettres croisées. Voici bien au net mes projets, mes désirs, mon idylle, à moins d’accidens. J’irai vous voir de très bonne heure, je partirais dans cinq ou six semaines, je suppose, ou deux mois. Après quelque temps de séjour (et non limité) j’irais près d’Avignon voir la sœur de Mme Buloz, chez laquelle ils seraient tous, et je m’en reviendrais à travers la France, par le midi ou par le milieu jusqu’à Pouvray, terre de Mme de Tascher (dans le Perche) où je passerais un mois. A Lausanne, je ne voudrais voir quasi personne, c’est-à-dire les amis seuls, et non le monde ; d’ailleurs je suis toujours hors d’état de causer plus d’une ou deux fois par jour. Je ne voudrais arriver vers vous qu’après la décision du sort d’Olivier : quand sera-ce fait ? Votre hospitalité entière serait tout acceptée,