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neutralité en cas de danger. De ce fait on tire la conclusion que ni un État seul, ni un groupe d’États n’ont le droit de se déclarer neutralisés de leur propre initiative et sans la garantie expresse des autres États et surtout des grandes puissances. Les publicistes les plus autorisés proclament comme un axiome que l’acte de neutralisation d’un petit État doit nécessairement être signé et approuvé par les grandes puissances. Cette opinion nous semble absolument inadmissible. Dans la vie privée, personne ne contestera notre droit individuel de déclarer une fois pour toutes que nous voulons garder notre absolue neutralité dans les querelles entre nos voisins ou connaissances. Dans la vie politique ou internationale, le même droit doit être reconnu aux États de déclarer urbi et orbi et pour ton jours qu’ils veulent rester en dehors de toutes complications internationales et ne prendre aucune part dans les conflits entre les nations.

Ainsi, le Danemark a le droit incontestable de déclarer, de sa propre volonté, sa résolution inébranlable de rester perpétuellement neutre et de n’intervenir en aucune manière dans les conflits entre les puissances étrangères. Les deux autres États Scandinaves, la Suède et la Norvège, ont le même droit et le droit de s’unir avec le Danemark pour garder leur neutralité perpétuelle et commune. Une déclaration faite en cette forme devrait faire respecter la neutralité de ces États dans la même mesure et dans les mêmes limites que si elle était garantie par la bonne volonté des grandes puissances.

Dans le cas d’une pareille neutralisation, par la résolution unilatérale du Danemark, on ne pourrait, en droit, exiger du gouvernement danois qu’une seule chose, à savoir qu’il respecte lui-même les obligations qui découlent de sa neutralité perpétuelle. Il devrait abandonner toute ambition de jouer un rôle dans la grande politique internationale ; il ne devrait en aucune façon se mêler des affaires des autres États ni prêter aux autres nations, soit en temps de paix, soit, encore moins, en temps de guerre, des services qui pourraient compromettre sa complète impartialité et sa neutralité absolue.

La nation danoise, neutralisée pour toujours, devrait se vouer exclusivement à son progrès matériel et social. Elle resterait maîtresse chez elle, sur son territoire, et elle continuerait de recevoir avec la même hospitalité toutes les nations, sous la condition expresse de se soumettre aux lois du pays et de respecter