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ces choses leur a été « révélée. » C’est même là ce qui distingue expressément une religion d’une philosophie. La philosophie de Platon est peut-être très supérieure à la religion des Cafres ou des Hottentots, mais la religion des Hottentots ou des Cafres est une « religion, » et la philosophie de Platon n’est qu’une philosophie. La définition de la religion ne peut être conçue, l’idée même n’en peut être formée qu’en fonction du surnaturel. Je ne parle point ici en croyant, je parle en historien ou en observateur. Point de religion sans une affirmation du surnaturel qui la fonde ! Supprimer l’une, c’est anéantir l’autre. Et derechef, si nous prétendons conserver l’une en niant l’autre, nous voilà ramenés à l’éternelle équivoque.

C’est aussi bien sur ce point que l’auteur des Religions de l’autorité et la religion de l’Esprit semble avoir été lui-même le moins certain de sa propre pensée. Il avait écrit, dans son Esquisse d’une Philosophie de la Religion : « La science est dans un devenir perpétuel. Si parfois elle en vient à fermer à la piété des perspectives chères et familières, elle lui en ouvre nécessairement de nouvelles. Si elle lui retranche de vieilles béquilles, elle lui donne des ailes… Plus la science progresse, plus elle met dans les choses de l’ordre, de l’harmonie et de la pensée. Elle ne peut créer qu’un Cosmos de plus en plus intelligible, et par conséquent susceptible d’une interprétation toujours plus religieuse. « Il revient sur cette même idée dans un passage des Religions de l’autorité : « De nos jours on a beaucoup parlé de la religion de la science : on a même dit qu’elle Unirait par abolir et remplacer toutes les autres. Cela n’est pas vrai, d’abord parce que la science n’est pas plus tout dans la vie que la pensée n’est tout dans l’unie ; ensuite, parce que ceux qui parlent ainsi, parlent de la science le plus irréligieusement du monde. Il n’en est pas moins vrai que l’objet de la science est éminemment religieux, et que le culte de la science fait partie de la religion intégrale. La vraie religion de la science n’est pas celle qui en déifie les résultats éphémères ou la puissance matérielle, mais celle qui considère comme divine la recherche elle-même, l’ascension continue de l’esprit vers plus de lumière. »

On ne peut se faire à cette manière de jouer sur les mots de « science » et de « religion ! » Si la science, — et je crois que c’en es ! la définition même, — a pour objet, non pas précisément d’enchaîner la nature sous des lois immuables et véritablement