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Séchelles, ce dernier se rendit mystérieusement en Savoie et, là, il se servit pour ses relations au dehors de son intimité avec les demoiselles de Bellegarde. Il eut même avec Barthélémy, ambassadeur en Suisse, des conférences que le Comité de Salut public, à qui elles furent révélées, regarda comme suspectes. On répandit que Danton rêvait à faire la paix et qu’il aspirait à être régent. Peu de mois après, lui et ses amis montèrent sur l’échafaud. »

En dépit de l’autorité que donne à ce récit la haute situation de son auteur, l’invraisemblance, à défaut même des documens que nous sommes parvenu à nous procurer et qui le contredisent, en est éclatante. Si les faits qu’il révèle avaient été portés, comme le prétend Hardenberg, à la connaissance du Comité de Salut public, quelles raisons auraient empêché celui-ci de les faire figurer dans l’acte d’accusation qu’il dressa contre Hérault de Séchelles et contre Danton, alors qu’il cherchait vainement des preuves positives de leur alliance avec les royalistes ? Celles-là n’eussent-elles pas été écrasantes et n’eussent-elles pas dispensé le Comité de recourir, pour prouver la culpabilité de ceux qu’il voulait perdre, à des hypothèses qui donnent à ses décisions un caractère révoltant d’iniquité ? Or, toute l’infâme procédure qui précéda l’exécution est muette à cet égard. Ni de près ni de loin, il n’y est fait mention des tentatives attribuées par Hardenberg à Hérault de Séchelles et aux dames de Bellegarde. Ce silence suffit déjà à prouver que leur mémoire ne mérite pas de bénéficier de ce qu’aurait d’honorable et de propre à la relever le souvenir d’un effort en faveur de l’infortunée Marie-Antoinette, s’il était prouvé.

Mais il y a mieux. Il résulte de nos documens qu’Hardenberg a accueilli, sans les contrôler, des rumeurs dépourvues d’exactitude ; et que tout autre est la vérité. Si le comte de Mercy, alors à Bruxelles, a eu les intentions qu’on lui prête, il n’a pu les réaliser, soit parce que ses émissaires ont été impuissans à convaincre Danton ou n’ont pu arriver jusqu’à lui, soit parce qu’il s’est constamment heurté au mauvais vouloir de la Cour de Vienne. Longtemps encore après la mort du Roi, chargé de surveiller de Bruxelles les événemens de France, il ne pense que pur lueurs au danger que courent les jours de la Reine. Le 24 juin 1793, il discute longuement, dans une lettre à Thugut, les chances d’une Restauration. Il voit les conventionnels forcés