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Vienne sur ce que le salut de la Reine peut être à l’abri de toute responsabilité intérieure et publique. »

Le 17 septembre, Mercy exprime de nouveau à Thugut ses alarmes. Il vient d’apprendre qu’à la Convention, on a pris l’engagement de mettre à mort les traîtres, dont la Reine. « Dans de telles circonstances, est-il de la dignité ou même de l’intérêt de Sa Majesté l’Empereur de voir le sort dont son auguste tante est menacée sans rien hasarder pour l’arracher ou la soustraire à ses bourreaux ? » Il reconnaît l’impossibilité de mesures communes auxquelles peu des alliés voudraient s’associer. Mais, ne serait-il pas possible pour le bon renom de Sa Majesté de faire quelques démarches d’éclat ? Ne pourrait-on avoir recours, si peu que ce soit, à une déclaration, à une démonstration militaire, ou même, puisque les puissances ne peuvent ou ne veulent rien, à une intervention des puissances neutres ? Le 11 octobre, il déclare que le danger est extrême. Mais c’est en vain qu’il attend des instructions pour agir. Le 17, il apprend que Marie-Antoinette a été immolée.

Que résulte-t-il de cet ensemble imposant de pièces révélatrices de l’inertie de l’Autriche, sinon qu’on n’a rien fait pour la Reine, et qu’en conséquence, Hérault de Séchelles ne méritait pas d’être accusé d’avoir voulu la sauver ?

D’autres griefs relevés à sa charge n’étaient pas plus fondés. Lorsqu’on lui lut parmi les pièces d’accusation la fameuse lettre signée : marquis de Saint-Hilaire, qui dénonçait sa prétendue trahison, c’est avec raison qu’il la déclara mensongère, et s’écria :

— Si vous admettez de pareilles dénonciations, si vous lancez l’anathème contre les dénoncés, bientôt vous allez voir disparaître du sol de la liberté les patriotes les plus vrais, les plus utiles à la chose publique. Les agens des despotes qui nous reconnaissent invincibles n’ont d’autres moyens que de nous diviser et nous faire périr en détail.

Relativement aux papiers diplomatiques que, sur l’affirmation de Billaud-Varennes, on l’accusait d’avoir dérobés, il eût pu répondre que, s’il y avait eu détournement, le seul membre du Comité qui méritât d’être incriminé, c’était justement le dénonciateur[1]. Mais, soit ignorance, soit dédain, il se contenta de

  1. « Billaud-Varennes trahissait. Ses lettres passaient par Venise et Toulon pour aller en Espagne, avec laquelle il s’entendait. A la prise de Toulon, on saisit sur des officiers espagnols, chargés de porter des messages, une correspondance non signée contenant des renseignemens qu’un membre du Comité pouvait seul fournir. Elle fut remise à Robespierre, qui se rendit au milieu de ses collègues et leur dit qu’il se doutait bien qu’il y avait un traître parmi eux, qu’il en avait des preuves. Là-dessus, il les leur montra. Alors Billaud, pour détourner le coup qui le menaçait, s’écria qu’il n’y avait qu’Hérault de Séchelles capable d’une pareille conduite. Cela donna lieu au procès de ce dernier. » Note citée par les auteurs de l’Histoire parlementaire, qui la déclarent émanée de M. Gravenreuth, président de la régence d’Augsbourg, sous l’Empire.