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demander des preuves ; on ne put les lui présenter. Lorsqu’il eut constaté qu’on ne tenait aucun compte de ses protestations et compris que sa mort était résolue, il se résigna. Il n’opposa plus qu’une indifférence dédaigneuse à ses accusateurs et conserva cette attitude jusque sous le couteau.

Il n’en fut pas de même de Philibert Simond. Privé de sa liberté, cet homme, qui avait un jour exprimé devant la Convention le vœu que les suspects arrêtés « allassent grossir le limon de la Loire, » perdit toute son arrogance et ne songea qu’à user de subterfuges. Il invoqua sa qualité d’étranger. Né en Savoie lorsque cette province appartenait au Piémont, il prétendait n’être point passible des lois françaises. Cette prétention repoussée, il s’agita pour sauver sa tête, bien qu’il eût senti depuis longtemps « qu’elle ne tenait pas bien sur ses épaules. » Dans sa prison, de concert avec quelques-uns de ses codétenus, il complota pour assurer son évasion sans atteindre d’autre résultat que celui de hâter sa fin.


IV

L’arrestation de Hérault de Séchelles jeta dans la consternation les dames de Bellegarde. Pour Adèle, qui avait tout sacrifié à cet homme : sa réputation, ses enfans, son mari, son état dans le monde, il représentait tout l’avenir. Non seulement, elle l’aimait et se savait aimée, mais encore il était pour elle un protecteur ; elle lui devait la sécurité dont elle avait joui jusque-là, malgré la violence des orages déchaînés autour d’elle, et sans doute se flattait-elle que leurs existences demeureraient à jamais confondues. Elle se sentait donc cruellement atteinte par le coup qui le frappait.

Il ne paraît pas qu’Aurore fait été au même degré qu’elle, ce qui autorise à penser que Philibert Simond n’a pas joué dans sa vie le rôle que lui attribue le cardinal Billiet, ou que, tout