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grenadiers de la garde royale en 1827 ; après la révolution de 1830, il passe comme capitaine au 6e hussards. À cette époque, un arrêt de la cour royale de Paris lui avait accordé le droit, sa mère l’ayant reconnu, fie s’appeler de Bellegarde-Chenoise. Il signe de ce nom la demande de mise en réforme sans traitement qu’il adresse en 1833 au ministre de la Guerre en invoquant les raisons de famille qui l’obligent à quitter l’armée.

Pendant tout ce temps, il a vécu en fils tendre et reconnaissant, dans l’intimité des deux femmes à qui il doit tout et dont, à cette heure, Je dévouement maternel, qui les a transformées, rachète le passé. De même quelles sont tout pour lui, de même il est tout pour elles. Elles aident à sa carrière, mettent à son service toute leur activité, importunent leurs amis en sa faveur, frappent à toutes les portes pour hâter son avancement. Elles sollicitent Talleyrand, le pair de France Lenoir de la Roche, le prince de Condé, à qui elles donnent des fêtes au château de Chenoise, où, en vertu d’un arrangement avec elles, il a ses équipages de chasse. En faveur de ce fils adoré, elles se permettent toutes les démarches. Elles écrivent au ministre de la Guerre Gouvion Saint-Cyr : « Vous êtes le père de tous les militaires français, le Turenne de notre temps. » Elles signent toutes deux cette supplique qui n’est qu’une apologie du jeune Chenoise, une longue énumération de ses mérites, qu’elles rappellent à l’effet de prouver qu’il est digne de devenir officier d’ordonnance du ministre.

Ainsi, l’amour maternel si longtemps muet dans le cœur d’Adèle de Bellegarde a éclaté et, quoique tardif, il la métamorphose, tandis qu’Aurore, qui, depuis longtemps, avait secoué la funeste influence de Philibert Simond, a trouvé dans les devoirs de sa maternité d’emprunt sa véritable voie et, comme la tante Aurore de la romance, se croit déjà une aïeule. Elles vivent maintenant graves et dignes, rendues à leur milieu social, revenues de leurs équipées, vouées à des œuvres charitables, désarmant la malveillance par la rectitude de leur conduite, leur tolérance, leur bonne grâce, leur simplicité, repenties, sinon consolées, grâce au fils chéri qui remplace pour elles tout ce que leurs fautes leur ont fait perdre.