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de les voir rester indéfiniment à l’état de problèmes, se bornant à nous en exposer tous les élémens avec une érudition, une clarté, et un charme de style qu’on ne saurait trop louer. Parfois même nous serions tentés de croire que sa vivante imagination se grossit les difficultés du problème à résoudre, comme dans le cas de James de la Cloche, ou encore dans celui de la fausse Jeanne d’Arc, Jehanne des Armoises, où peu s’en faut qu’il n’admette la possibilité d’une survivance de Jeanne d’Arc au bûcher de Rouen, simplement parce qu’un des frères de la Pucelle, pour un motif d’intérêt ou de politique, a laissé dire que sa sœur était restée en vie. D’autres fois, au contraire, l’éminent historien anglais propose des hypothèses qui, je le crains, risquent de se heurter à de sérieux obstacles : ainsi, lorsqu’il affirme que l’homme au masque de fer, le mystérieux prisonnier de Pignerol, de l’île Sainte-Marguerite, et de la Bastille, n’était pas le comte Mattioli, mais un domestique de l’aventurier protestant Roux de Marcilly, un pauvre homme qui s’appelait en réalité Martin et ù qui l’on avait imposé le faux nom d’Eustache Dauger. Peut-être M. Lang ferait-il bien de laisser désormais à ses confrères français l’étude de ces petits « mystères » de l’histoire de France, puisque aussi bien l’histoire de son pays n’est pas moins riche que la nôtre en attachantes énigmes, et que personne certainement, dans son pays, n’excelle autant que lui à s’en occuper. Combien j’aimerais, par exemple, à pouvoir analyser le remarquable chapitre où il essaie de reconstituer exactement les circonstances de la mort d’Amy Robsart, ou bien encore celui où, avec une abondance merveilleuse d’argumens et de faits, il disculpe les catholiques du meurtre d’un magistrat de Londres, Sir Edmund Berry Godfrey, et, à ce propos, fait revivre devant nous quelques scènes extraordinaires de la tragi-comédie qu’a été le fameux « Complot papiste » de 1678 ! Deux autres chapitres, qui mériteraient également d’être signalés, se rattachent en droite ligne aux travaux de cette-Société des Recherches psychiques dont je parlais ici le mois précédent. Dans l’un d’eux, M. Andrew Lang énonce les considérations de toute nature qui tendent à prouver l’absolue vérité historique de la légende du « fantôme de lord Lyttelton : » à supposer même que le fantôme en question n’ait existé que dans l’esprit malade du lord, celui-ci a incontestablement prédit, trois jours d’avance, l’heure et la minute précises de sa mort. Et, dans l’autre chapitre, M. Lang nous prouve, d’une façon non moins ingénieuse et non moins décisive, que, en l’année 1826, c’est bien à un phénomène de télépathie qu’a été due la découverte du cadavre d’un homme assassiné.