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contesterons pas l’originalité, car on n’avait encore jamais rien vu de pareil. Priver du droit d’enseigner, non seulement les congréganistes, mais les simples prêtres, est une innovation dont personne, avant M. Girard, n’avait eu l’idée. si l’on remonte dans notre histoire, il faut bien reconnaître que les congrégations y ont été l’objet de suspicions plus ou moins légitimes, qui se sont particulièrement accentuées contre quelques-unes d’entre elles, et que le pouvoir exécutif, quels qu’en aient été à travers les âges la forme et le nom, a souvent usé contre elles de moyens d’action qui rendaient leur existence très précaire. On sait que nos vieux légistes ne les aimaient pas, et ceux d’aujourd’hui ont quelquefois hérité à leur égard des sentimens de leurs anciens : M. Waldeck-Rousseau en a lui-même donné la preuve dans la discussion de sa loi sur les associations. Mais, jusqu’à ce jour, ceux qui attaquaient les congrégations avec le plus de violence avaient soin de déclarer que leurs argumens ne s’adressaient pas au clergé séculier, et ils affectaient même de dire qu’ils le protégeaient en proscrivant dans les congrégations une sorte d’excroissance qui épuisait la sève de nos églises paroissiales et les rendait défaillantes et stériles. C’était la mode, alors, d’attaquer les moines et de défendre les curés : on attaque maintenant les uns et les autres. On ne peut pourtant pas dire des séculiers qu’ils sont en dehors des lois, puisque les lois et même un traité, le Concordat, les reconnaissent, les organisent, consacrent leur existence, et que le budget en paie un grand nombre. Dès lors, pourquoi la défaveur qui s’attache aux réguliers s’étendrait-elle jusqu’à eux ? Pourquoi les traiterait-on, eux aussi, en parias ? Pourquoi les priverait-on, en les considérant comme des êtres dangereux ou indignes, de l’usage de certaines libertés ? Et n’est-ce pas ce que propose M. Girard, puisque, s’ils n’ont pas fait vœu d’obéissance, les prêtres séculiers ont fait celui de célibat ? Un orateur a rappelé, au cours de la discussion générale, que Napoléon, dans sa première conception de l’Université, avait voulu imposer le célibat aux professeurs : on veut maintenant le leur interdire, c’est encore une liberté qui s’en va. Cette préoccupation aurait de quoi surprendre, si on n’en apercevait pas distinctement l’objet. Ce n’est plus aux congréganistes, mais à tous les ecclésiastiques qu’on défendra bientôt d’enseigner. Distinguons toutefois : on le défendra aux prêtres catholiques ; les pasteurs protestans et les rabbins juifs échapperont à l’interdiction. C’est la nouvelle manière de comprendre l’égalité de tous les cultes. La laïcisation de l’enseignement sera poussée, pour les catholiques seuls, jusqu’à ses plus extrêmes limites. Après s’être appliquée aux