Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/483

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

programmes, elle s’appliquera au personnel enseignant lui-même, parce que, si certaines notions ou même si certains mots éveillent chez l’enfant des idées religieuses, il en est incontestablement de même de la robe du prêtre. Or, on ne veut plus que ces notions soient enseignées, ni peut-être même que ces mots soient prononcés dans les écoles : ils ne doivent l’être qu’à l’église. Tel est le but poursuivi : l’amendement Girard est un des moyens inventés pour l’atteindre.

C’est aussi un moyen imaginé pour reconstituer la majorité ministérielle sur ses bases premières. Il n’est pas douteux que le projet Chaumié est assuré d’une grande majorité au Sénat. L’initiative prise par l’Union républicaine, qui s’est engagée à le voter, lui assure un succès éclatant, et même facile : mais c’est précisément ce succès qui inquiète M. le président du Conseil. Il craint que ce ne soit une victoire à la Pyrrhus, et qu’après en avoir gagné un certain nombre du même genre, il ne se trouve complètement séparé de ses amis d’extrême gauche. Comment conjurer ce péril redoutable ? Comment empêcher M. le président du Conseil de donner sa démission parce qu’il aurait eu, au Sénat comme à la Chambre, une majorité sans doute, mais non pas sa majorité ? Beaucoup de cervelles travaillaient plus ou moins secrètement à la solution de ce problème difficile, lorsque de celle de M. Girard est sorti l’amendement que l’on sait. L’extrême gauche lui a fait un accueil des plus favorables, comme s’il devait assurer le replâtrage du « bloc, » remettre le ministère en selle, le débarrasser enfin du concours des modérés. Mais M. Chaumié a hésité à adopter le monstre. M. Clemenceau, qui est impatient de sa nature, aurait voulu savoir tout de suite ce que le gouvernement en pensait, et il l’a demandé à M. le ministre de l’Instruction publique ; mais celui-ci s’est réfugié dans l’ajournement. Le gouvernement, a-t-il dit, n’a pas encore pu délibérer sur un amendement qu’il ne connaissait pas : qu’on lui laisse le temps de le faire. M. Chaumié ayant pris cette attitude, il était impossible de l’y forcer ; mais, en vérité, fallait-il tant de réflexions et de délibérations de la part de nos ministres pour se prononcer sur une disposition aussi révoltante ?

On comprend donc avec quelle impatience l’opinion du gouvernement était attendue ; impatience qui n’était pas exempte d’une certaine angoisse morale. Il paraissait invraisemblable que M. Combes acceptât l’amendement Girard, et aussi qu’il le repoussât complètement, car, après avoir déclaré qu’il ne pouvait pas, on ne voulait pas gouverner sans l’extrême gauche, il était obligé de lui faire toutes les concessions qu’elle exigerait. M. Combes s’est expliqué, au début de