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La joie était peinte sur tous les visages quand nous sont apparus les sommets ombreux de Sicié et les arêtes vives du Mont Faron au front chauve...

Tout passe... Les grandes manœuvres ont passé, les fatigues sont oubliées, et dans mon esprit vont et viennent les visions de nos courses rapides loin des terres, des sombres masses de navires que l’on fuit ou que l’on poursuit, des rochers que l’on évite. Puis, ce sont les images des pics surgissant soudainement des eaux et s’élevant peu à peu tandis que les contours des côtes se dessinent, que les baies se creusent, que les villes s’étagent ou s’étalent : sommets de Corse et de Sardaigne, pics du Zaghouan en Tunisie, lac de Bizerte, blanches maisons d’Alger et d’Oran, falaises du Maroc, minarets de Tanger...

Tout passe, tout change, tout fuit...

Maintenant, c’est Toulon, Toulon aux flots calmes, et, sur les navires ancrés, immobiles : le repos... Et la nouvelle image qui se développe, s’agrandit peu à peu et prend la place de toutes les autres, c’est celle de Madeleine et de notre petite Olga.

Toujours menaçante, la question d’Orient a failli se rouvrir au commencement du mois : une division avait été désignée et a conservé ses feux allumés pendant cinq jours, prête à appareiller au premier signal. Puis, ordre a été donné d’éteindre les feux. Cette fois, dit-on, le gouvernement a obtenu du Sultan les promesses les plus formelles. Et c’est probable, puisqu’on nous autorise à partir en permission dès demain.

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Rade de Toulon, 1er octobre 1901.

Tous les permissionnaires, officiers et marins, sont rentrés hier au soir, et ce matin la vie d’escadre a immédiatement pris son cours régulier, comme celle des collégiens. On dit que l’escadre bougera très peu de Toulon, cet hiver, par raisons d’économies. Les manœuvres navales d’été ont coûté très cher : il faut rattraper l’argent.

Pour moi, depuis le 15 septembre, j’ai ramené ma famille au Cap Brun où nous avons retrouvé, avec une joie d’enfans, notre charmante « villa des Mimosas. »

Le jardin est toujours fleuri sous ce ciel radieux : les roses s’y épanouissent sans cesse ; les massifs de marguerites étalent encore leurs blanches corbeilles ; les pourpres géraniums éclatent.