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C’est ce qu’a parfaitement exprimé M. Ribot, avec sa lucidité et sa précision coutumières, lors du grand débat du 11 mars dernier, à la Chambre des députés, sur la politique extérieure de la France, — et c’est ce que l’on ne saurait mieux faire que de redire avec lui.


M. RIBOT. — Il ne s’agit pas de porter là l’esprit de conquête. Non ! Je ne crois pas qu’il soit de l’intérêt de la France d’annexer toujours à ses possessions de nouvelles zones, de nouveaux territoires et d’y envoyer des fonctionnaires ; ce n’est pas du tout ma pensée. Ce qui est essentiel, c’est que, dans cette zone du bassin du Mékong, nous ne laissions s’établir aucune influence qui pourrait contrarier la nôtre.

M. ETIENNE. — Toute la question est là.

M. RIBOT. — Toute la question est là, en effet.

C’est que nous fassions comprendre au Siam, de manière qu’il ne puisse pas s’y tromper, que nous voulons que notre influence dans cette région, au point de vue économique et au point de vue politique, soit une influence prépondérante.

Si vous faites comprendre cela au Siam,... tout le reste sera peu de chose, toutes les difficultés s’évanouiront d’elles-mêmes ; vous ferez le traité que vous voudrez ; peut-être même n’en ferez vous pas du tout, — et c’est peut-être au fond ce qui vaudrait le mieux.


M. Ribot a tenu, en cette circonstance le langage du bon sens et de la vérité. Le Siam n’est pas une puissance avec qui l’on doive se prêter à des négociations dilatoires et à d’interminables discussions : le jour où l’oligarchie qui le gouverne aura compris que, forts du protocole de 1896, nous tiendrons la main à ce qu’aucune influence rivale de la nôtre ne puisse s’exercer dans le bassin du Mékong, nous serons bien près d’avoir atteint notre but, fondé sur des bases solides notre empire indo-chinois et trouvé, du même coup, un modus vivendi avec le Siam.

Nos intérêts économiques et politiques sont d’accord avec les nécessités de notre politique indigène, avec ce que nous appellerions volontiers nos devoirs comme puissance protectrice de l’Annam et du Cambodge, pour nous imposer l’impérieuse obligation d’être les maîtres sur les deux rives du Mékong. En prenant, dans tout le Siam, le rôle de défenseurs de l’indépendance des petits royaumes indigènes contre l’oppression de Bangkok, nous verrons grandir notre influence sur les populations du Laos et de l’ancien Cambodge, nous détruirons les germes de mécontentement que certaines imprudences ont pu faire naître et que