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de Westphalie, reçut sa plus grande extension[1]. » Mazarin s’était bien trouvé d’avoir aimé à suivre les armées en campagne. Il connaissait l’importance militaire de la plupart des places. Le négociateur espagnol n’aurait pu en dire autant

A l’intérieur, le premier venu comprenait les bienfaits politiques d’un traité qui abolissait le passé dans la mesure du possible. Condé avait été compris dans la paix et rentrait en France bien résolu à se tenir tranquille. Il rejoignit la Cour à Aix, le 21 janvier 1660, et la trouva très curieuse de savoir comment il allait être reçu. Mademoiselle accourut chez Anne d’Autriche : « Ma nièce, lui dit la reine, allez-vous en faire un tour à votre logis ; car M. le Prince m’a fait prier qu’il n’y eût personne, la première fois que je le verrais. » Je me mis à sourire de dépit et je lui dis : « Je ne suis personne ; je crois que M. le Prince sera fort étonné s’il ne me trouve pas ici. » Elle insista d’un ton fort aigre. Je m’en allai, résolue de m’en plaindre à M. le cardinal ; ce que je fis le lendemain, et lui dis que, si pareille chose m’arrivait une autre fois, je m’en irais. Il me fit de grandes excuses. » C’était le système de Mazarin. Il se confondait en excuses ; il n’en était ni plus ni moins « une autre fois. »

On sut que M. le Prince avait demandé pardon à genoux, et qu’il avait trouvé devant lui, en Louis XIV, un juge grave et froid, qui s’était tenu « très droit[2], » Se battre contre son roi n’était décidément plus un jeu : on ne s’en relevait pas, fût-on le vainqueur de Rocroy. Mademoiselle ne réussissait pas à le comprendre. Condé, surpris et déçu, tâtait le terrain. Un soir de bal qu’il causait avec Mademoiselle, le roi se mit en tiers. La conversation tomba sur la Fronde. De la part d’un homme d’autant d’esprit que M. le Prince, on peut croire que ce ne fut point par hasard : « On parla fort de la guerre, raconte Mademoiselle, et nous raillâmes fort de toutes les sottises que nous avions faites, et le roi entra le mieux du monde dans ces plaisanteries. Quoique j’eusse fort la migraine, je ne m’y ennuyai pas. » Elle avait ri sans arrière-pensée. Condé, plus perspicace, trembla le reste de ses jours devant ce monarque si dissimulé et si parfaitement maître de lui.

Presque au même moment, expirait un autre attardé de ces idées féodales que ni la royauté, ni les mœurs, ne voulaient plus

  1. Histoire de France. Traduction Jacques Porchat et Miot. Paris, 1886.
  2. Mémoires de Montglat, Mémoires de Mme de Motteville.