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Son cœur chaud couve une étonnante faculté d’enthousiasme. Qu’au milieu d’une diatribe violente, il rencontre chez l’ennemi une particularité morale, un trait de caractère que sa parfaite bonne foi ne lui permette pas de condamner, qu’un détail lui apparaisse séduisant dans un ensemble qu’il vient d’attaquer sans ménagemens, et soudain la flamme de l’admiration s’allume en son âme. Le voilà prêt à atténuer, à contredire au besoin sa précédente sentence, quitte à la reprendre tout à l’heure, pour l’aggraver, avec une belle fougue d’indignation. On assiste souvent près de lui à ces rapides sautes de vent dans une pensée orageuse où le souffle de l’idéal préconçu va se briser sans cesse contre des faits trop rigides, trop peu plastiques, au gré d’un artiste, impatient de façonner la matière rebelle. Par là, les tentatives de M. Chamberlain pour fixer la psychologie d’Israël, seront presque aussi infructueuses que celles qu’il risque sur la constitution physique du peuple juif et c’est une des parties de son œuvre où l’on a pu relever le plus de contradictions flagrantes, de gratuites incriminations ! Mais cet aspect de son enseignement s’éclairera mieux quand nous étudierons son appréciation de la religion judaïque.


VI

Il est temps d’en venir avec lui à l’examen d’une race qui ne trouvera même pas, chez son juge inexorable, les retours d’indulgence, au besoin les manifestations d’enthousiasme dont la forte communauté Israélite a bénéficié parfois. Nous voulons parler de ce groupe ethnique que M. Chamberlain désigne, avec un dégoût non dissimulé, par la périphrase caractéristique de « chaos des peuples. » C’est là cette fois une conception toute gobinienne, car il s’agit en somme, bien que le mot ne figure pas souvent dans les Assises du XIXe siècle, de l’ensemble des peuples méditerranéens, considérés comme survivans de la corruption impériale, et à peu près renfermés dans les frontières antiques de l’Imperium. — L’auteur de l’Essai sur l’inégalité des races nous avait montré derrière ces limites, et sous l’influence de la paix romaine, aussi bien que de l’administration savante des Césars, le Syrien et l’Abyssin, le Numide et le Baléare déversés sur l’Espagne et sur la Gaule ; des fonctionnaires plus