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toute une décoration préhistorique de M. Cormon, ou de M. Frémiet !

Voyez de plus les premiers compagnons d’Ignace : François-Xavier, un Basque comme lui, Polanco, un juif converti, Faber, un Savoyard qui, à titre d’Homo alpinus, de brachycéphale survivant des premiers occupans de l’Europe, est placé ici sur le même plan ethnique que son chef ! Ce groupe n’est-il pas le symbole de toutes les puissances antigermaniques liguées contre la Réforme, et contre Luther, expression parfaite de l’âme du Nord ?

Mais, à lire ces lignes passionnées, on se souvient en souriant qu’un publiciste de notre temps, qui partage avec M. Chamberlain des convictions antisémitiques, assez différemment nuancées, il est vrai, M. Edouard Drumont, considère Loyola comme le dernier des chevaliers romantiques, et son ordre comme l’expression même de l’âme aryenne. Que penser, une fois de plus, d’un concept ethnique également propice à des déductions si profondément antagonistes ? « Working hypothesis, » disait M. Chamberlain ; non pas, distrirbing, mislaying de préférence ; car voici que son livre nous présente encore, plus près de nous, une seconde incarnation du méditerranéisme dans la personne de Napoléon, le « grand capitaine du Chaos des peuples, » et le complément parfait de Loyola. Tandis qu’au moment même où il prononce cette excommunication sans merci, un autre publiciste de l’Allemagne[1] se plaît à rapprocher dans un parallèle admiratif Bonaparte et Gœthe, dont les Assises du XIXe siècle font pourtant le « Grand Aryen » par excellence. En vérité, qui donc mérite créance parmi ces exégètes si remplis d’une assurance égale dans leurs contradictoires affirmations !

Quoi qu’il en soit, citons le jugement définitif de notre auteur sur le « Chaos des peuples » au temps présent. Quiconque, dit-il, voyage aujourd’hui de Londres à Rome, va du brouillard vers le soleil, mais en même temps d’une civilisation raffinée et d’une

  1. A. Fischer, Gœthe et Napoléon. — Un anthropologue aryaniste très convaincu, le Dr L. Woltmann, a notifié récemment à M. Chamberlain que Napoléon était probablement plus germain de type que maint autre Germain prétendu de pur sang ; et que l’ordre des jésuites est une « création germanique, » comme l’a démontré récemment M. Franz Liebenfels, Katholizismus wider Jesuitismus. Frankfurt a. Mein, 1903, en étudiant les origines des Pères les plus célèbres de la Compagnie. Voir Politisch-Anthropologische Revue, II, 7.