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et slavisé, nous a préparé mieux encore à l’accueil ouvert et bienveillant de ce germanisme à la manche large. En fait, M. Houston Stewart Chamberlain le proclame de façon expresse, partout où il écrit « Germain, » nous devons lire « Slavo-celto-germain ; » et la première formule n’est qu’une abréviation favorable à la légèreté du style, Par là son germanisme n’exclut guère en Europe que les Juifs, et les Méditerranéens envisagés comme les descendans du chaos de la décadence latine. Encore le sang germain, celtique et slave a-t-il joué sans doute vers ces régions du Midi un plus grand rôle que notre auteur ne semble le supposer !

En dépit de ces deux restrictions obstinées, une telle conception du germanisme se montre évidemment beaucoup plus hospitalière que celle d’un Gobineau par exemple, qui voulait bien faire des Celtes et des Slaves les frères d’origine de ses Ariens (à titre de Japhétides), mais les voyait si vite enlizés dans le sang jaune préceltique qu’il ne leur témoignait en somme que méfiance et aversion. En un mot, M. Chamberlain a le sens ethnique moins scandinave, et plus franchement européen. Il semble même qu’un léger effort, dont il n’est pas sans esquisser de temps à autre le geste préparatoire, l’amènerait facilement à accepter par surcroît plus d’un Juif et plus d’un Méditerranéen dans sa communauté européenne. Déjà, lorsqu’il aperçoit, au voisinage des Bédouins et des Hittites dont le mélange façonne lentement la nationalité d’Israël, l’Amoritain blond, de souche indo-germanique, c’est le terme caractéristique d’« Homo Europaeus » qui se présente sous sa plume pour fêter cette apparition inespérée de la race noble dans la chaotique Asie antérieure, et sa surprise joyeuse lui inspire aussitôt cette apostrophe pathétique : « O Homo Europaeus, comment as-tu pu t’égarer dans une telle compagnie ? Tu m’apparais comme un œil ouvert sur un au-delà divin, et je voudrais te crier : Ne suis pas le conseil de ces savans anthropologues (ceux qui prêchent la fusion des races). Ne disparais pas dans cette tourbe : ne te mêle pas à cette plèbe asiatique. Obéis au grand poète de ta race (Gœthe), reste fidèle à toi-même[1]... » Mais je viens trois mille ans trop tard, conclu ! avec découragement l’évocateur, subitement éveillé de son rêve cuivrant, l’Hittite demeura, et l’Amoritain s’enliza dans

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