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trait germanique, le refus d’apprendre les langues de l’antiquité chaotique. Il suffit : la preuve intellectuelle est faite qui permet à ces gentilshommes par le sang de monter dans les accueillans carrosses du germanisme. — Si l’on se plaçait toutefois sur le terrain anthropologique (qui demeure toujours secondaire dans les Assises), on pourrait compléter sa conviction sur le caractère ethnique de cette époque brillante, par une promenade dans la galerie des bustes de la Renaissance au musée de Berlin. En effet, si l’on veut bien se remémorer la démonstration persuasive établie sur les portraits de Dante et de Luther, ces beaux types florentins du quattrocento, aujourd’hui si complètement évanouis sur les rives de l’Arno, établiront jusqu’à l’évidence que le germanisme y rayonnait encore, à cette heure glorieuse, pour s’éteindre peu après dans la véritable Renaissance latine, au XVIe siècle[1].

Ces dernières et audacieuses thèses des Assises seront notre justification pour avoir avancé qu’il est prudent, avant de protester contre le germanisme affiché de leur auteur, d’examiner si nous ne pourrions trouver notre place par quelque subterfuge dans les rangs de ses Germains. Le bassin méditerranéen ne doit-il pas ici céder de gré ou de force à ce cénacle conquérant ses plus illustres enfans ? C’est au total une compagnie assez disparate que celle des élus de ce Paradis de la race : le Scandinave y coudoie le Sicilien[2], et l’on parviendrait peut-être à y glisser jusqu’à des nègres, les mêmes que ceux dont Renan signalait en souriant la présence aux agapes fraternelles des Celtes de Bretagne, qu’il présidait sur ses derniers jours avec un si parfait scepticisme.

En terminant l’examen de l’aspect ethnique de la doctrine qui fait l’objet de notre étude, nous constaterons qu’il est, dans son ensemble, presque entièrement gobinien. On a reproché fréquemment au delà du Rhin à M. Chamberlain, et parfois d’un ton assez amer[3], son ingratitude envers le penseur français

  1. Ainsi Florence ancienne ou moderne a le privilège de demeurer sans cesse, outre-monts, par quelque détour imaginatif, le lieu d’élection des sympathies septentrionales. Et il est frappant qu’en effet le méridionaliste Stendhal ait trouve là, et là seulement, dans le sein de l’Italie contemporaine, une image de l’odieuse Angleterre.
  2. C’est une thèse qu’a soutenue également la distinguée romancière scandinave Selma Lägerlöf qui a retrouvé au pied de l’Etna maint trait de ses compatriotes septentrionaux. — Voir Die Wunder des Antichrist.
  3. Voir le Pr. Schemann, Beil. z. All Zeit., 1901, 132 ; le Dr F. Friedrich, ibid., 1901, 199 ; le Dr L. Wilser, Polit.-Antr. Revue, 1, 5 et le De Kretzer dans sa récente biographie de Gobineau, 1902.