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que cela l’était pour des assemblées convoquées irrégulièrement, quand il plaisait au prince, et laissées, s’il ne lui plaisait pas, sans convocation pendant cent soixante-quinze ans, comme les anciens États généraux, de 1614 à 1789 ; ni d’assemblées à ce point plénipotentiaires qu’elles en sont omnipotentes, autant que d’assemblées qui n’avaient guère que le droit de doléance et de supplication, qui devaient donc mettre à profit la seule occasion qu’on leur offrit de faire entendre au roi l’opinion du peuple, sur le plus de sujets qu’il se pouvait faire, au sujet des aides et subsides. Et tout de même, aujourd’hui que les Chambres siègent bon an mal an sept ou huit mois, il serait d’une bonne méthode de ne pas tout mêler au budget, et de ne pas attendre le budget pour tout expédier en un coup.

Ainsi des Affaires étrangères. La discussion, qui, au surplus, en a été nourrie et brillante, a pris, comme on l’a dit assez justement, on ne sait quelle allure de ce qu’au théâtre on appelle « une revue de fin d’année. » Nous avons vu défiler en ordre varié, au gré des divers orateurs, l’Angleterre, l’Italie, la Russie, le Maroc, la Macédoine, le Siam, la Chine et le Japon ; et l’abondance des points de vue a servi sans doute leur érudition, mais nui peut-être à la précision, et, en tout cas, à la concision. A voir tant de choses ensemble, on voit vite, et il serait excessif de dire qu’on ne voit point, mais on ne voit pas tout, sans compter que, ce que l’on voit, il n’est pas certain qu’on le voie bien. Quoi qu’il en soit, M. Paul Deschanel, M. le comte Boni de Castellane, M. Jaurès, M. Etienne, et, pour les suivre, M. le ministre des Affaires étrangères, et le rapporteur, M. de Pressensé, ont fait dans cet immense domaine des excursions intéressantes. La Chambre s’y est laissé conduire par eux, avec une sagesse qui ne se serait pas démentie, s’il n’avait pris fantaisie à quelques « pacifiques, » groupés habituellement sous la houlette de M. d’Estournelles, de tant parler d’arbitrage, de limitation des armemens, voire de désarmement proportionnel. Une motion de M. Gustave-Adolphe Hubbard, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle était intempestive, ou plutôt qu’en aucun temps, depuis les événemens de 1870-1871, elle n’eût été et ne saurait être à sa place dans une Chambre française, tant que, d’une façon ou de l’autre, certaines réparations n’auront pas été faites et certaines garanties n’auront pas été données ; une phrase inconsidérée de M. de Pressensé ; d’une travée à l’autre, des mots vifs se croisant ont mis le feu aux poudres. M. Georges Leygues a crié de la tribune une protestation enflammée ; M. Jaurès a riposté, on peut s’en fier à lui, avec non moins de flamme ; puis de nouveau M. Leygues, et