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pas moins été importé 45 000 hectolitres en 1902 contre 32 000 en 1898 et 14 000 en 1899. Il peut y avoir là le germe d’une concurrence dangereuse, quoique, d’après notre consul, les vins australiens se vendent aussi cher que nos vins en barriques (90 centimes le litre), et que leur prétention de lutter contre nos vins fins paraisse bien outrecuidante[1]. Toutefois, nos exportateurs feront sagement d’y veiller.

Après nos vins, nos eaux-de-vie. Ici nous régnons tout à fait en maîtres. Les pseudo-cognacs allemands et même australiens ne sont importés qu’à raison d’un million par an, tandis que les Anglais nous ont acheté pour 27 105 000 francs d’eau-de-vie en 1902 contre 33 938 000 francs en 1901 et 32 827 000 en 1897. C’est encore la guerre qui est responsable de cette baisse. Nos maisons de Cognac avaient pu maintenir le niveau de leurs expéditions jusqu’en 1901 ; mais les stocks s’accumulaient dans les entrepôts ; il a bien fallu réduire les envois. Ce n’est, tout porte à le croire, qu’une crise passagère, bien que la concurrence nationale du gin et du whisky, et l’abstention complète prêchée par les sociétés ultra-tempérantes puissent nous faire quelque tort ; cependant la grande Revue médicale, The Lancet, qui a envoyé une mission à Cognac, a fait l’éloge de nos eaux-de-vie. Il faut espérer que les Anglais se rallieront aux idées de nos plus éminens microbiologistes, qui ne voient de péril que dans l’abus, non dans l’usage de l’alcool, et nous conserveront leur clientèle, qui absorbe la moitié de nos exportations.

Le raisin n’est pas le seul fruit dont « ils n’ont pas en Angleterre, » ou, du moins, dont ils ont peu. On y récolte bien des pommes, des poires, des prunes, des cerises, des légumes variés, voire des fleurs, surtout en Cornouailles et dans les îles Scilly, en cette extrémité sud-ouest de la Grande-Bretagne, où le Gulf Stream rend le climat si doux que les camélias fleurissent en pleine terre. Mais, en règle générale, notre ciel est plus ensoleillé ; puis notre petit propriétaire est plus soigneux, plus minutieusement

  1. Un agronome connu, sir James Blyth, a été envoyé par la Chambre de commerce de Londres, à l’occasion de l’Exposition de 1900, pour étudier la situation de la viticulture française, et dans le dessein avoué d’établir un « guide pour la production vinicole dans l’Empire britannique ; » dans son rapport, sir James espère voir l’Australie, « la préférence naturelle pour les produits des colonies britanniques aidant, » fournir prochainement une abondante production de « bordeaux, » de « bourgogne, » de « sauterne, » et de « vin du Rhin, » pendant que le Cap, — dont les produits sont du reste bien supérieurs, — produirait du porto et du sherry.