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dix ans, surtout, observe très justement M. Périer, une profonde transformation s’est produite dans les mœurs d’outre-Manche : la femme anglaise a contracté un goût pour la toilette qu’elle ne connaissait guère autrefois, et le temps est déjà bien loin où Taine, recueillant ses Notes (1862), constatait qu’elle se préoccupait fort peu de son costume. De là nos fortes ventes en Angleterre d’articles concernant l’habillement féminin, qui s’élèvent annuellement à plus de 500 millions de francs. » Et il faudrait encore ajouter à ce chiffre les achats faits directement par les Anglaises, chez nos couturiers en vogue ou dans nos grands magasins, lors de leur passage à Paris. Pour n’atteindre pas à l’importance des emplettes que font les Américaines, qui, elles, ont toujours été des ferventes de la toilette, ils n’en laissent pas moins entre nos mains des sommes considérables. On comprend aisément l’enthousiasme de la rue de la Paix lors de la visite d’Edouard VII.

Le nouveau roi a été d’autant mieux accueilli par les représentans du commerce de luxe qu’on espère voir la vie de cour reprendre, sous son règne, une activité et un éclat qu’elle avait perdus depuis quarante ans, et réparer ainsi promptement les pertes qu’a causées, ici encore, la guerre sud-africaine : de 264 millions en 1888, l’importation en Angleterre des soieries de tout genre était montée à 420 millions en 1898 ; elle est retombée à 328 millions en 1901, pour ne se reprendre qu’à 338 millions en 1902. De ce déchet la France a naturellement subi sa part ; mais elle s’en relève assez rapidement. Nos exportations en Grande-Bretagne de tissus, rubans et passementeries de soie atteignent pour l’année dernière tout près de 147 millions de francs, contre 137 millions en 1901 et 115 millions en 1900. C’est 43 pour 100 de l’ensemble des importations de soieries sur le marché anglais, où nous maintenons notre rang, qui est le premier, mieux peut-être que partout ailleurs, malgré la concurrence de l’Italie, de la Suisse, et un peu de l’Allemagne et du Japon. C’est aussi 48 pour 100, bien près de la moitié, de nos exportations totales. Tissus de haut luxe, crêpes, tulles, dentelles de Lyon, rubans de Saint-Etienne, gazes et tissus divers de Picardie, toutes les branches de notre industrie de la soie participent à ce mouvement, avec une préférence qui va s’accentuant, comme partout, pour les soieries légères ; c’est bien à la consommation anglaise que tout cela est destiné, car l’Angleterre