Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/959

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fois, là encore, les convenances personnelles ont joué un rôle. M. le prince Ouroussoff désirait aller à Rome, où il devait trouver un climat plus doux, et M. le comte Nélidoff, venir à Paris. L’un et l’autre ont été servis à souhait. Le premier laissera chez nous le souvenir d’un homme aimable, fin, conciliant, qui a contribué à rendre entre son pays et le nôtre les liens plus intimes, et le second y trouvera le meilleur accueil, ses rapports avec nos propres ambassadeurs à Constantinople et à Rome ayant depuis longtemps témoigné de ses sympathies à notre égard.

La démission de M. Zanardelli n’ayant eu rien d’imprévu, le roi Victor-Emmanuel a aussitôt fait appeler M. Giolitti et l’a chargé de former un nouveau ministère. M. Giolitti a accepté de remplir la mission qui lui était confiée, et ses premières démarches ont donné à croire qu’il désirait s’appuyer surtout sur l’extrême gauche, ou du moins s’assurer son concours. Il a offert, en effet, un portefeuille d’abord à un socialiste, puis à un radical ; mais ses offres ont été également déclinées par l’un et par l’autre. Peut-être M. Giolitti s’y attendait-il ; en tout cas, nous l’en félicitons. L’expérience infiniment dangereuse que M. Waldeck-Rousseau a faite en France n’est pas, quoi qu’on en dise, de celles qui méritent d’être imitées : nous ne sommes pas sûrs que M. Waldeck-Rousseau lui-même la recommencerait, depuis qu’il peut en voir se développer toutes les conséquences. Un des motifs qui ont privé M, Giolitti des concours qu’il avait sollicités a été son intention connue de faire entrer dans son cabinet deux hommes contre lesquels de mauvais bruits avaient couru. Médisance ou calomnie, nous ne sommes pas en mesure de le dire ; mais M. Giolitti croyait à la calomnie, et la légèreté avec laquelle, dans d’autres pays, on accuse de toutes sortes de méfaits les hommes politiques des partis adverses rend prudent de n’admettre ces accusations que lorsqu’elles sont accompagnées de preuves formelles. Mal accueilli par les socialistes et par les radicaux, M. Giolitti n’a pas désespéré pour cela de son futur ministère : il s’est tourné d’un autre côté, convaincu, a-t-il dit, qu’il pourrait pratiquer la même politique, la politique de réformes démocratiques qu’il avait en vue, avec des hommes différens. Il n’a pas modifié son programme ; il a cherché seulement d’autres collaborateurs, et il a réussi à former une combinaison dans laquelle il a fait entrer, à côté de représentans de la gauche, un homme de la droite, mais de la droite libérale et réformatrice, M. Luzzatti. Son ministère repose donc sur une base très large : on peut craindre seulement qu’elle ne présente pas sur