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Il est évident qu’il ne faut voir là qu’un procédé auquel une troupe devra avoir recours pour traverser sous le feu un espace plat et sans abri. En terrain coupé ou couvert, beaucoup d’hommes s’attarderaient ou perdraient la direction. Si la dispersion ainsi réalisée a des avantages au point de vue de la diminution des pertes, elle a de sérieux inconvéniens.

Il serait difficile de faire relever sous le feu des hommes couchés loin les uns des autres et même d’acheminer ces hommes dans la direction voulue.

La chaîne, n’ayant presque rien pour réparer ses pertes, va en s’affaiblissant jusqu’au moment de l’assaut, et une contre-attaque d’infanterie serait à ce moment fort dangereuse pour l’assaillant.

Déjà, en septembre 1900, aux grandes manœuvres impériales, près de Stettin, où deux corps d’armée à trois divisions étaient opposés l’un à l’autre, l’influence de la guerre sud-africaine s’était fait sentir par des dispositions nouvelles : c’étaient le passage de l’ordre de marche à l’ordre dispersé, sans mouvemens à travers champs dans un ordre préparatoire de combat ; l’occupation de tout le front par une ligne de tirailleurs aussi dense que possible ; après une préparation vigoureuse par leur feu, l’assaut donné sans soutiens ni réserves.

Or, en 1889, dans la marche pour l’attaque, on trouvait, sur une profondeur de 500 mètres, de cinq à six hommes par mètre courant.

En 1900, les Allemands affirment qu’une masse pareille ne pourrait jamais s’avancer sous le feu d’une ligne de tirailleurs ou de quelques pièces.

A partir de cette époque, on ne voit plus en effet d’attaques dites décisives, menées au moyen de masses tenues en réserve. Ce sont les lignes de tirailleurs seules qui terminent les attaques. Le plus grand soin est d’ailleurs apporté dans l’utilisation du terrain pour se défiler aux vues, et les crêtes dangereuses ne sont franchies qu’après un déploiement préalable fait en arrière.

Les parties de la chaîne qui ne voient pas bien le terrain dans la position couchée prennent la position à genou. Le souci d’offrir à l’ennemi un objectif moins vulnérable est tel, que, lorsque la chaîne est arrêtée et que les formes du sol conduisent, pour améliorer le champ de tir, à rectifier par un léger mouvement en avant (de 20 à 30 mètres) la position de certaines fractions, le déplacement se fait sans que les hommes se mettent debout : ils marchent sur les genoux.