pratiquait lui-même, non sans distinction, a fait preuve d’une compétence plus haute dans ce livre charmant des Maîtres d’autrefois, dont la Revue avait eu la primeur, et qui allait marquer une ère nouvelle dans l’histoire de la critique. Pénétrant plus avant qu’on n’avait fait jusque-là dans l’étude de la technique du peintre, il a su, en termes clairs, exposer ses procédés, faire comprendre au public leur importance et lui montrer par quels liens étroits ils se rattachent à l’expression des œuvres et déterminent leur valeur ; expliquer comment, aux jours d’une inspiration plus haute et d’une maîtrise plus complète, ils s’accordent pour faire les chefs-d’œuvre. Etudiant le développement des divers artistes, Fromentin a nettement caractérisé la manière de chacun d’eux et marqué la place qui lui revient dans son école. Tout cela dans une langue à la fois élégante, naturelle et précise, discrètement imagée, pleine de souplesse et de tours variés, singulièrement riche avec les mots les plus simples. Se gardant également des partis pris et des esthétiques nuageuses, s’abstenant même de vues trop générales, par l’art caché de la composition, par l’ordre et la suite des idées, par le choix et la vivacité des traits, par le sens de la mesure, par la clarté introduite jusque dans les discussions les plus subtiles, Fromentin a le premier donné l’exemple d’une critique d’art qui fût elle-même une œuvre d’art. Critique bien française, dont les étrangers ne peuvent guère soupçonner la grâce et le charme accomplis, mais qui cependant a trouvé des admirateurs dans tous les pays, tant elle contient aussi de vérités positives et substantielles ; critique de peintre enfin et telle qu’un peintre seul pouvait la faire, mais qui, goûtée surtout par les peintres, apprend à tous quelque chose et mérite d’être proposée en exemple.
Pour les progrès graduellement réalisés dans une appréciation plus rationnelle des œuvres d’art, la part qui revient aux artistes est, on le voit, considérable. On a cependant prétendu leur dénier le droit décrire sur leur art et condamner le peintre, quand il a quitté sa palette, à ne plus parler d’une étude qui fait l’occupation et l’intérêt de sa vie. Les raisons données pour prescrire une pareille abstention sont spécieuses et méritent que nous nous y arrêtions un moment. Il est impossible, a-t-on dit,