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son éducation religieuse. Elle l’avait emmené dès le bas âge dans les églises, où elle-même passait une partie de ses journées, et lui avait communiqué ainsi un peu de sa piété étroite et machinale. Louis XIV n’en connut jamais d’autre. Il n’était pas plus savant en catéchisme qu’en grammaire latine, et avec cette circonstance aggravante qu’il voyait la nécessité de savoir le latin, pour lire les dépêches diplomatiques, tandis qu’il ne voyait pas du tout l’utilité de savoir sa religion. Il ne varia jamais là-dessus ; Mme de Maintenon elle-même y perdit ses peines. La seconde Madame, la Palatine, n’en revenait pas. Elle écrivait : « Pourvu, croyait-il, qu’il écoutât son confesseur et récitât son Pater, tout irait bien et sa dévotion serait parfaite[1]. »

Avec ces idées, le Roi trouva fort mauvais, alors qu’un flot d’adulateurs le déifiaient à l’envi, de rencontrer parmi ses sujets des hommes assez hardis pour blâmer ses mœurs et le lui dire en face. Des prélats se montrèrent sévères ; c’était leur métier. Mais que des courtisans, et même, à ce que l’on racontait, un simple bourgeois de Paris, osassent adresser des remontrances à leur souverain, cela ne se pouvait souffrir ; sans compter que leurs observations excitaient sa mère contre lui, au risque de les brouiller, ainsi qu’il arriva en effet. Ne fût-ce que par politique, Louis XIV était résolu à ne pas tolérer que l’on se mêlât ainsi de ses affaires. Il sentait confusément que tous ces gens-là s’entendaient pour lui faire la leçon. Il devinait une force organisée et considérable derrière cette « cabale des dévots » qui représentait à la Cour l’austérité, et que les libertins du Louvre tournaient en ridicule.

Cette force organisée, nous la connaissons. Nous l’avons vue à l’œuvre dans un précédent chapitre[2], sous le nom de Compagnie du Saint-Sacrement, alors qu’elle travaillait avec Vincent de Paul aux grandes entreprises charitables du siècle[3]. Le surnom malveillant de Cabale des dévots lui avait été donné, vers 1658, par les nombreuses personnes qui l’abominaient, sans connaître « son vrai titre et son organisation, » parce qu’elle les troublait dans leur existence. Depuis que nous nous en sommes occupés, la carrière de la société avait continué d’offrir le même

  1. Lettre du 9 juillet 1719, et passim, dans sa correspondance.
  2. Voyez la Revue du 1er décembre 1903.
  3. Cf. la Cabale des Dévots, par M. Raoul Allier, et un Épisode de l’histoire religieuse du XVIIe siècle, par M. Alfred Rébelliau, dans la Revue.