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causer à la Chambre le rapport de M. Buisson et son discours ? Après avoir dit que chacun était libre de mener chez lui la vie cénobitique ou monastique : « Mais le jour, a-t-il ajouté, où nous demandons à être plus qu’une association ordinaire, le jour où nous demandons à être reconnus comme une congrégation autorisée, formant un être factice doué de capacités juridiques spéciales, ce jour-là l’État a le droit et le devoir d’examiner de près s’il fera bien de nous accorder cette autorisation, et je réponds d’avance : il doit nous la refuser. » Si vous répondez d’avance qu’il doit nous la refuser, à quoi bon l’examiner de près ? Nous voilà loin de la loi de 1901. Elle avait entendu que la demande de chaque congrégation serait effectivement examinée à part des autres, et que l’autorisation serait accordée ou refusée suivant l’intérêt que la congrégation mériterait. On sait ce qui est arrivé ; nous ne reviendrons pas sur cette histoire, qui est d’hier. Mais il faut signaler dans le discours de M. Buisson un étrange renversement des rôles. Est-ce que les congrégations, qui ne sont en somme que des associations d’un caractère plus intime, ont jamais demandé spontanément à être reconnues ? Ce prétendu avantage que l’autorisation leur conférerait, est-ce qu’elles l’ont apprécié comme tel ? Point du tout. On croirait, à entendre M. le rapporteur, que les congrégations ont manifesté un empressement extrême à solliciter des autorisations qui auraient constitué pour elles un « privilège. » Les choses ne se sont point passées ainsi : les congrégations ne demandaient rien. C’est la loi qui leur a imposé l’obligation à laquelle la plupart d’entre elles se sont soumises, et la loi avait moins en vue de leur assurer un avantage que de prendre contre elles une précaution. « La preuve, a dit M. Raiberti, avec beaucoup de bon sens et d’esprit, c’est que la loi de 1901 a imparti aux congrégations qui existaient au moment de sa promulgation un délai de trois mois pour se mettre en règle en sollicitant l’autorisation. Elle a considéré le fait de ne pas la solliciter comme un acte de rébellion et elle a décidé que toute congrégation qui se mettrait dans ce cas serait dissoute de plein droit. Enfin elle a considéré que le fait d’enseigner pour une congrégation non autorisée entraînerait des pénalités d’amende et de prison. Et bien ! je le demande, depuis quand punit-on les gens pour ne pas solliciter un privilège ? Et depuis quand appelle-t-on un privilège une obligation à laquelle les personnes ne peuvent se soustraire sous peine d’amende et de prison ? » La question est posée on ne peut mieux. S’il est vrai, comme l’a dit M. Buisson ou comme il l’a fait entendre, — mais ses paroles ne peuvent avoir un autre sens que