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des salines de Dürrenberg, Laurent Rosenegger : un théâtre mécanique où cent vingt petites figures, avec des mouvemens d’un naturel et d’une variété extraordinaires, marchaient, travaillaient, se querellaient, dansaient. Des maçons construisaient un palais, une réduction du Palais-Neuf de la Place de la Résidence ; un ours, tenu en laisse, gambadait tristement ; une méchante vieille femme allait et venait, se démenait, arrêtait les passans pour leur exposer ses griefs. Tout à coup, du haut de la tour, retentissait le « cri d’orgue » du « Taureau de Salzbourg ; » et un orgue mécanique, caché derrière le théâtre, commençait à jouer doucement, à l’imitation de celui de la forteresse. « Ecoute, petit Wolfgang, reconnais-tu ce bel air ? »

Oui, certes, " l’enfant reconnaissait l’Écho, ou le Concert, de M. Eberlin ! Il reconnaissait toute musique qu’il avait une fois entendue, les refrains du Glockenspiel et les chœurs fugues de la cathédrale, et c’était plaisir de l’entendre fredonner tout cela, d’une voix fluette et légère comme lui, en suppléant par de grands mouvemens de la tête et des bras à ce que son chant ne pouvait pas dire. A trois ans, comme sa sœur (alors âgée de sept ans) commençait à apprendre le clavecin, il se mit résolument à en jouer aussi. De ses petits doigts il cherchait des accords, tapotait, avec des variantes de sa fantaisie, toute sorte d’airs qu’il venait d’entendre. Mais il n’en restait pas moins, jusque-là, un enfant, toujours avide de courir, de jouer, de s’amuser avec d’autres enfans. Et ce n’est qu’un an plus tard qu’un changement complet s’opéra en lui, qui étonna les siens au point de leur faire l’effet d’une faveur toute spéciale de la Providence.


Dans le courant de l’année 1760, Léopold Mozart, frappé de la justesse de son oreille et des précoces aptitudes qu’il découvrait chez lui, lui avait offert en plaisantant de lui enseigner la musique. L’enfant avait accepté l’offre : et quelques mois lui avaient suffi pour être déjà en état de déchiffrer, à livre ouvert, les petits morceaux composés par le père à l’usage de ses deux élèves. Mais voici que, peu à peu, sous l’invasion d’une curiosité nouvelle, tout ce qui l’avait auparavant passionné lui devint indifférent. Il ne voulait plus ni courir, ni sauter, ni aller voir la parade des gardes sur la Place du Palais. Jouer, il le voulait bien, mais à la condition que la musique eût une part dans les jeux : on devait tourner autour de la chambre en chantant des marches,