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ballistarii par balistes et balistaires. J’ai une foule de preuves, inutiles à mettre ici, qui montrent que toujours, au moyen âge, les auteurs appelaient baliste l’arbalète, et ballistarii les arbalétriers. Ainsi les ordonnances de Jean et de Charles V disent sans cesse, pour la levée des troupes, quatuor millia ballistarii, etc. Le compte que vous me donnez veut donc dire : item, deux grosses arbalètes à tour (torte) ; item, quatre arbalètes à deux pieds ; item, deux petites arbalètes ; item, deux arcs d’arbalète, etc. En effet, il y avait des arbalètes à deux pieds et à un pied, c’est-à-dire qu’on bandait avec un ou deux pieds. De même, dans votre intéressant mémoire sur l’artillerie des anciens, vous avez, d’après M. Capefigue, traduit par balistaires les deux cents arbalétriers anglais présens à la bataille de Lincoln[1].

Mais, au lieu de vous donner une leçon, ce qui serait l’histoire de maître Jean, je viens vous en demander une.

Dans les anciennes chroniques, je lis ceci : Les trébuchets sont de deux espèces : 1° ceux dont le contrepoids est fixé invariablement à la verge ; 2° ceux dont le contrepoids est lui-même mobile autour de la verge (comme dans vos dessins). Les premiers tirent plus juste, les seconds tirent plus loin, à égalité de poids et de construction. Or, j’ai cherché, par les calculs, à me rendre compte de ce fait, et je n’y suis point parvenu. En effet, dès que le centre de gravité du contrepoids est placé à la même distance de l’axe, l’équilibre est le même, lorsque la machine est au repos ; mais, lorsque le contrepoids descend, il décrit une courbe différente suivant qu’il est fixe ou mobile sur la flèche. Cela doit-il influencer la portée ?

Vous me ferez grand plaisir aussi de me faire rechercher, dans quelques chroniques de Berne ou de Zurich, quelle était l’ordonnance des Suisses à Saint-Jacques, à Grandson et à Morat. Je ne crois pas les détails que vous m’avez donnés très exacts. Je voudrais aussi savoir comment ils plaçaient leurs coulevriniers, leurs piquiers et leurs hallebardiers. En général, je ne crois qu’aux récits de contemporains, et c’est pour cela que j’aurai peut-être rectifié bien des erreurs.

Encore un mot. La seule preuve que je trouve de l’emploi d’une baliste au XVIe siècle, c’est le dessin rapporté par Juste Lipse, et j’avoue que je ne sais comment expliquer ce fait unique. »

  1. On retrouve ces discussions, presque mot pour mot, dans le second volume des Études sur l’artillerie.